moonlight sonata (( ft. ranjit

Non, bien sûr qu’il n’allait pas me croire, je ne me soucie pas des autres parce qu’on ne se souciait pas de moi et j’ai encore moins le besoin de le faire aujourd’hui. Je ne veux penser qu’à moi et c’est bien pour ça que je suis ici. Je dévoile donc à contrecœur qu’il me manque, que je n’ai pas envie qu’il se fasse tuer ou qu’il se fasse arrêter, parce que la justice de ce monde et de ce pays plus particulièrement ne sont pas du tout permissifs et encore moins facile à détourner. S’il a une parfaite connaissance des lois, ce dont je ne doute pas, dans ce monde ou dans un autre la donne reste la même : il y a toujours plus fort. Sa cupidité l’a toujours guidé, jusqu’à ce que je prenne le relais et bien sûr il a fallu que cette pimbêche gâche tout et le rende pire qu’il était avant qu’on se rencontre. Je ne vais pas dire qu’il était celui qu’on dessine dans le conte stupide qui a été écrit, mais il y avait de ça et il avait changé assez pour moi. Il a encore changé, par ma faute, mais aussi par la sienne parce qu’il fallait bien qu’il ne me fasse pas entièrement confiance pour être aveugle à ce point de mon jeu d’acteur minable. Sa vie en dépendait.

« Je fais ce que je veux d’abord » et je m’inquiète si je veux, qu’il ne croie pas connaître le fond de ma pensée si vite celui-là, puisqu’il est tombé dans le panneau, il n’a pas à me juger et encore moins à prétendre mieux me connaître que moi-même. Jeune et con, oui je l’ai été, mais je n’étais pas seulement ça et amoureux je l’ai sincèrement été. Alors quand il me demande ce qui m’est arrivé, j’ai envie de lui cracher toute l’histoire d’un seul coup, je serre les accoudoirs et inspire profondément. « Ta question englobe beaucoup trop de choses, sois plus précis, barre un nom de ta liste, c’est le deal » il a beau être malin il ne m’aura pas comme ça, je me suis préparé à lui faire face, j’ai imaginé tous les scénarios possibles… je n’ai aucune envie de le lui dire, tout ce que j’ai gagné dans cette histoire ? Un trône dont je n’ai jamais voulu, une femme qui a abusé de moi pour avoir un héritier qu’elle n’aurait pas su aimer et qu’elle n’a pas su enfanter convenablement. Charmant tableau hm ? Et lui ? Lui il m’a perdu, mais il était libre, il aurait pu poser tellement de questions, il aurait pu m’espionner en silence ou l’espionner elle, cette furie ! Avant même que tout ne se produise, mais non…

J’ai envie de le tuer. Ce regard faussement innocent, je le connais beaucoup trop bien et le pire c’est qu’il me fait encore de l’effet. Je dois inspirer profondément et fermer les yeux quelques secondes pour me retenir de l’empoigner par le col de sa chemise et surtout, ne pas lui dire tout ce que j’ai sur le cœur comme il pourrait vouloir le savoir. Enfin, bien sûr il ne se doute pas de tout ce qui peut bien se passer dans ma tête et c’est fortuit puisqu’il saurait en tirer avantage. Je me contente de lui indiquer qu’il doit préciser et rayer et il le fait avec nonchalance, ce que j’approuve en m’étant assuré qu’il n’allait pas me prendre pour un idiot. Il se penche et me demande depuis quand je suis ici. Sans le moindre détour, je lui réponds « Depuis deux ans à peu près » et c’est peu dire. « Tu es difficile à trouver » et discret, trop par rapport au sorcier dont tout le monde connaissait la demeure, mais que personne ne pouvait approcher de près ou de loin sans en subir des conséquences dont seul lui décidait. Je suis entouré de personnes à pouvoirs et on ne remarque pas à quel point ça me pourrit la vie, hm ? Quelle ironie, je m’en fiche d’être le roi du monde ou de tous les mondes, tout ce que je veux c’est pouvoir vivre tout court comme je l’entends et je ne peux pas tant que je n’ai pas réglé mes petites affaires avec ce fichu troll.

« Satisfait ? On poursuit ? » Il avait été assez précis pour que je sois concis et encore, je lui avais laissé entendre que le pourquoi c’était lui, ce qui était totalement vrai… la seule personne après laquelle j’ai toujours couru, ça ne pouvait être que lui, qu’il le croie ou non. Flatteur ? Ça me tue de l’admettre, mais je ne doute pas qu’il le prenne ainsi, pour son égo et son estime de lui-même qui était assez haute. Bien qu’elle ait pris un sacré coup et chamboulé le reste de sa personne, si tenté qu’il soit toujours capable de ressentir quelque chose. Qui sait ce qu’il est capable de faire pour oublier et pour ne plus se faire piéger comme je suis certain qu’il croit que je cherche à le faire.

Je le voyais son sourire satisfait, il n’avait même pas besoin de l’afficher, je savais lire au travers du masque d’indifférence qu’il me servait, j’avais appris à le connaître et il voyait au travers du mien. Je suis moins subtile, je dégouline de rage, je sais qu’il a toutes les cartes en main et ce n’est qu’une question de temps avant que j’explose entre. Deux ans que je suis ici, que je me suis fondu dans la masse et que je respire mieux l’air pollué de ce carcan que celui pur de mon propre monde. Il me parle des chasseurs et j’esquisse un sourire mauvais s’apparentant plus à une grimace. Pourquoi crois-tu que je te cherchais abruti ? Tu fais du bruit, ça risque de se savoir et je n’ai pas envie que tu sois renvoyé maintenant que je t’ai retrouvé. Je voudrais le gifler, je me retiens de justesse en m’agrippant de nouveau aux accoudoirs douloureux. « Je n’ai rien à craindre contrairement à toi » et c’est d’autant plus vrai que la couronne que j’ai portée, elle n’est ni d’or ni d’argent, ce n’est qu’une vulgaire copie en carton. Je n’ai jamais été roi quoiqu’on en dise et je ne veux pas l’être. Je n’ai jamais voulu détenir autant en étant aussi démuni. Une marionnette. Sa marionnette, celle d’une reine que j’ai tuée. Ah, que de bons souvenirs. Je me replace convenablement et l’observe. Alors, la suite ? Brûle les étapes, que je puisse enfin me défouler.

Au lieu de quoi il me fait patienter, boit et j’attends qu’il barre les noms pour chaque question, sans quoi je ne réponds pas, laissant mon menton guider son poignet. Mon statut, vraiment ? J’inspire profondément pour ne pas lui donner la satisfaction de lui sauter à la gorge. « Je vais t’y répondre pour cette putain de couronne par une question. À ton avis, un roi fuirait-il une couronne pour en avoir une autre ? » tu devines que ce mot est amer dans ma bouche ? Roi, roi de quoi ? De rien du tout, juste un pauvre fils de meunier qui s’est fait balloter d’un coin à l’autre par diverses personnes et cette décision que j’ai prise il y a deux ans, tu ne me l’enlèveras pas pour la mettre sur le compte d’un profit dont je n’ai jamais profité. Quant au reste, je ne veux pas l’admettre tout de suite, non. Mais il l’a demandé et je grince littéralement des dents pour me forcer à répondre. « Si tu n’as pas deviné pour quelle putain de raison je suis ici après toutes les questions posées, j’ai envie de dire que c’est tant mieux pour ces pauvres gens, tu rayeras plus de noms. Je te pensais moins idiot » quant à son sadisme, ça je n’en doutais pas… je ne pensais juste pas faire les frais d’un enfant de cinq ans plutôt que de Rumplestinskin. « Mais soit, puisque j’ai dit sans détour, j’espère que tu es prêt à l’entendre, tu l’as cherché »

J’inspire profondément, bois à mon tour le temps de le faire mijoter et de me donner consistance. Je n’en ai absolument pas puisque je suis tendu comme un arc, prêt à décocher une flèche là où il y avait un cœur qui battait pour moi autrefois. « Je t’aime toujours… et il n’en a jamais été autrement, quoi que tu en dises. Mais je te déteste pour des raisons que tu ignores encore. » Demande-moi pourquoi je t’ai laissé, vas-y c’est mon tour de te faire mal comme tu viens de le faire.

Tu me regardes avec ton arrogance habituelle, j’ai fortement envie de t’arracher les yeux ou de te balancer mon verre à la tête pour ce comportement. Je le connais si bien qu’il est impossible qu’il ne comprenne pas ce qu’il en court et pour ça, pour le risque qu’il semble prêt à prendre, j’ai envie de crier autant que de le laisser faire pour qu’il se rende compte que j’étais venu l’avertir, l’empêcher de se détruire. On ne peut pas gagner éternellement, on en sait tous les deux quelque chose. J’inspire profondément et ne flanche pas. « Tu sais très bien de quoi je parle, arrêtes de jouer » et particulièrement avec moi, parce que je vois au travers du masque comme tu vois au travers du mien. Je déglutis, je suis mal, de plus en plus et je parle, pour lui faire comprendre que rien de tout ce qu’il pensait à mon sujet n’a de sens. Rien depuis cette reine cruelle n’était vrai. Alors je le vois s’agiter et je retiens un sourire en me mordant l’intérieur de la joue. Puis je le fais patienter, me préparant à lui cracher ce qui fait le plus mal. Mon cœur s’emballe malgré moi. Si je ne faisais pas attention, je lui dirais tout, d’une traite, mais il y a des gens à sauver pour le sauver lui. Je serre de nouveau les poings tandis qu’il barre un nouveau nom. « Je vais compter tes deux questions pour une seule » dis-je en mordant ma lèvre avant de me pencher lentement vers lui, mes mains sur son bureau à présent.

« Parce qu’elle voulait t’atteindre et qu’elle le pouvait… à cause de moi » je ris, je n’en peux plus et je balance ma tête en signe de négation, appuyant fortement de mes deux mains à plat en perdant peu à peu le contrôle que j’essayais d’avoir. Je savais que ça n’avait rien de facile. « Et toi, comme un abruti, tu m’as cru… tu m’as cru quand j’ai menti » quand je lui ai servi que je l’aimais elle, que je voulais le pouvoir. Ça n’a jamais été moi, ça n’a jamais été ça. On m’a toujours traité comme une monnaie d’échange pour aspirer à plus grand et on a obtenu de moi beaucoup trop et quand je croyais avoir un peu de répit, quand je pensais qu’il comprendrait et qu’il la tuerait ou révèlerait son visage de serpent, il l’a regardé me manipuler. « Tu t’es senti trahi ? Et bien tu n’es pas le seul, parce que tu n’as pas été capable, toi, Rumplestinskin de voir ce qui se passait vraiment » je lui voue une haine sans nom pour nous avoir fait ça, pour m’avoir fait passé pour ce que je ne suis pas. Oh, l’histoire le dépeint comme le méchant ici, hm ? Mais la fille du meunier est une pauvre conne qui n’a jamais connu de fin heureuse non plus.

C’est une honte pour lui d’avoir été berné, c’est un affront que je peux me sentir fier d’avoir réussi à lui faire, piètre vengeance pour mon cœur aussi brisé que le sien. Piètre parce que je l’aime toujours, même si je n’ai plus assez confiance pour lui confier à nouveau cet organe vital sans difficulté pour lui. Tu me veux ? Mérite-moi, pas parce que j’étais un roi, mais parce que tu m’avais déjà… tu m’avais depuis toujours et tu n’as pas su me garder. Parce que toi, qui ne craignais personne, tu as craint ce qu’on avait et ta stupide peur d’être abandonné et laissé pour compte de tous a fini par te rattraper. Je déglutis, ravale ma fierté, mes larmes qui ne couleront pas et je me fonds dans le dossier du siège, aussi victorieux que tu l’étais quelques minutes plus tôt.

Je devrais tout lui dire, une part de moi à très envie de tout lui cracher à la gueule plutôt que de jouer aux devinettes, parce qu’il m’agace, parce que j’ai mal et parce qu’il pense être le seul à avoir une sorte de pouvoir sur ce fichu monde dont on est issu ? Ce n’est pas parce que je n’ai pas de pouvoirs magiques que je suis un demeuré et ce poison de reine l’avait bien compris. En m’aillant moi, elle s’évitait d’avoir possiblement le plus grand sorcier de l’histoire dans ses petites affaires de malpropre. Je serre les dents, mais lui révèle qu’elle pouvait l’atteindre et je ris nerveusement quand il ose demander comment. Sérieusement ? « Raye un nom » l’autre part veille à ce qu’il n’oublie pas notre contrat, bientôt il n’y aura plus personne à arnaquer, pas de pauvres gens qui ne le méritent pas. Autrefois, il était infernal et le sort trouvait toujours de quoi satisfaire ses victimes malgré tout. Mais ici, c’est différent. Alors j’inspire. « Qu’est-ce que tu crois qu’elle aurait fait en sachant qu’on était ensemble ? Que tu avais… une faiblesse ? » si tôt dit, je serre les accoudoirs. Vraiment ça me semble présomptueux et ça m’horripile. Je ne pensais pas m’être trompé, mais il faut bien l’avouer… « Enfin, c’est ce que je croyais » maintenant j’en doute, même si je n’ai pas menti sur ce que je ressentais et c’est parfaitement visible pour qui me connait assez bien de le deviner.

J’ai toujours été bon menteur… il est vrai, mais à ce point ? Vraiment ? Pouvoir mimer des sentiments ? Il m’avait bien regardé ? J’étais bien trop con pour et ça n’a toujours pas changé, à tel point que je n’ai pas souri une seule fois après ce mariage qui était un fiasco. Mais ça, il ne l’a pas vu. Je ne peux pas le retenir davantage, ce mélange de haine et de rancœur. J’avais besoin de le lui dire, que je lui en voulais et lui, il se contente de me tourner le dos en me parlant comme si j’étais un prince, vraiment ? Je le dévisage, pendant qu’il me joue les victimes et je me redresse à mon tour avant de tirer ce verre de ses mains et de le déposer ailleurs, peu importe où je n’en ai rien à faire. Si j’avais voulu faire une scène, il aurait volé en éclat, mais je me maîtrise encore… mon visage trop proche du sien ma respiration témoignant de cette fougue que je retiens. Pour combien de temps encore ? Avant d’exploser littéralement ? « Je n’ai jamais voulu être un foutu prince et j’ai été assez stupide pour penser que j’étais une faiblesse, tu veux quoi au juste ? » je le pousse du plat de ma main sur le tissu impeccable. « Que je te présente des excuses pour avoir voulu t’éloigner d’un monstre ? Parce que contrairement à ce que tu peux bien penser, tu n’es pas le méchant de mon histoire, le mien, il m’a forcé à beaucoup de choses dont je ne voulais pas » et le peu de bonheur que j’aurais pu retrouver, il n’a pas survécu, une flamme, une petite étincelle à peine éteinte… pour laquelle je craignais. Une étincelle que je doute retrouver. Qu’est-ce que je suis venu faire en lui parlant ? Régler mes comptes en sauvant des vies ? Formidable ! « La question c’est comment tu as fait pour tomber dans le panneau ? Tu crois vraiment que j’aurais craché sur quelqu’un à qui je devais la vie pour épouser l’abrutie de fille de celui qui voulait me tuer si je ne transformais pas le fil en or ? Un putain de miracle, il voulait me voir mort et cette sorcière sadique s’en amusait ! Alors vraiment, vraiment j’aurais voulu d’elle ? » je suis hors de moi… je ne comprends pas. Non, je comprends encore moins que lorsque j’étais arrivé. « Maintenant que tu le sais, j’espère que tu arrêteras de te comporter comme un foutu ado emo ou je ne sais quoi qu’ils appellent par ici, parce que, même si j’ai envie de t’étrangler, te savoir mort c’est éteindre tout ce qu’on avait » et tout ce qui faisait que j’étais heureux… avant. Me reconstruire, maintenant ? Je n’en sais rien, j’essaye. Tout ce que je sais faire, c’est coudre, tisser, des banalités qui se font ici à la chaîne et qui remplissent juste mon quotidien d’un peu de savoir-faire, d’un peu de réconfort.