are we cursed or what ?! + Kyu

C’est un vrai supplice de devoir travailler la matière quand la moindre peluche me pique et la répétition d’un simple geste presque frôlé se fait brûlure de frottement. Fort heureusement, il y a moins de choses à travailler, même si les détails prennent autant de temps, disons que les mesures permettent d’équilibrer. Je n’ai pas à travailler sur une grande perche, mais au contraire la minutie de pièces à reprendre pour adapter à la taille de leur possesseur. Il achète des vêtements, je les retravaille, ça coûte moins cher. Sauf que la matière parfois n’est pas de qualité et je me retrouve à faire des pièces avec d’autres matières en stock qui elles résisteront plus. Je soupire, rejette ma tête en arrière. Il ne devrait plus tarder à venir les chercher. Je l’ai averti par sms. J’ai encore du mal à croire que ce genre de boitier peut permettre de communiquer entre diverses autres choses. Le domaine informatique est aussi déstabilisant que les moyens à disposition pour mon propre métier.

Que voulez-vous, à Wonderland, ça n’était pas aussi sophistiqué, mais… il y avait plus d’authenticité, ce pourquoi je tiens toujours à faire les choses moi-même, les machines ne sont que des supports. Bref. Une fois satisfait, je suis éreinté et mes doigts sont rougis au point que j’en viens à me délecter de les passer sous l’eau froide. Un moment de répit, plus personne dans la boutique, le calme plat pour quelques longues minutes. Mon commerce n’est pas forcément le plus réputé, mais j’ai une clientèle fidèle depuis que je me suis installé. C’est ironique que je sois toujours acharné à vouloir coudre et reprendre des vêtements quand toute ma vie ça n’a été que source de stress. Mais ça change des champs et du bétail. La sonnette retentit et je sors de l’arrière-boutique après avoir replacé mes vêtements en me levant. Bon, qu’est-ce que c’est encore ?  

Mon téléphone portable avait vibré alors que j'étais en train de faire du pain perdu. Surpris, j'en avais laissé tomber la poêle, et m'étais brûler au passage. Maladroit devait être mon deuxième prénom dans une autre vie. Rapidement, je passai ma main sous l'eau froide, grimaçant sous la température pas idéale. Je détestais l'hiver. Et la personne qui m'avait envoyé un message. Elle pouvait bien attendre. Me séchant, j'allai dans la salle de bain pour en sortir un tube de crème. Heureusement que je me connaissais bien et avait investi dans tout type de soins. Il y avait même des compresses, des pansements et du cicatrisant. Après m'être embaumé l'endroit où je m'étais brûlé, j'allai prendre mon téléphone, sauf que je n'arrivait pas à appuyer dessus pour débloquer, tellement mon doigt était tout glissant.

- Rah...c'est nul ce truc

Je ne portais absolument pas les portables dans mon coeur, c'était pratique pour contacter quelqu'un, plus rapide qu'une lettre mais pour s'en servir par contre...Je n'avais pas d'autres choix que d'attendre tranquillement, et puis de toute façon, si c'était urgent on m'aurait appelé. Je pouvais pas non plus continuer de cuisiner alors j'avais fini par jeter mon dévolu sur un paquet de bonbons tout en regarder un show télévisé avec des chanteurs. Ce n'était qu'à la fin de l'émission que je me rappelais du message et arrivait enfin à débloquer mon téléphone. Mes soucis de la journée s'étaient tout de suite envolé, en voyant le sms de Ranjit. Il avait finit ma commande, de quoi me mettre en joie pour sautiller deux secondes sur place avant d'aller prendre mes affaires.

J'arrivais rapidement à Hongdae, pressé de voir le résultat. Cet homme avait des doigts de fées et même si j'étais pas à l'aise quand on prenait mes mensurations c'était différent avec lui. Ranjit venait du même monde que moi. Je me souvenais de lui. De fils de meunier il était passé à styliste, ce qui était plutôt cool ! Alors que moi j'étais un fils de fermière devenu serveur. Rien de très glorieux, mais je savais pas faire grand chose d'autres. J'étais tout de même un peu heureux de me sentir moins seul dans cette grande ville peu commune. On était pas les meilleurs amis du monde mais c'était tout de même en quelque sorte un repère, de le savoir ici.

Je rentrais dans la boutique, faisant sonner mon arrivée. Ranjin ne tardait pas à sortir de sa cachette. J'espérais ne pas l'avoir dérangé. J'avais oublié de lui dire que je passais.

- Bonjour, je dérange pas ? Je peux passer un autre jour si tu es occupé...

Même si en réalité j'avais hâte d'essayer ce qu'il m'avait fabriqué. Ranjit était assez généreux pour que je lui paye en plusieurs fois ses créations.

Quand je vois le petit être qui a franchi les portes de la boutique me dire qu’il peut repasser, je lève un sourcil. Il est sérieux ? Mon regard est toujours sombre, même quand mon humeur ne l’est pas. Je secoue la tête. « Puisque tu es ici, ça ne sert à rien de repasser plus tard » Je me tourne pour aller chercher le portant sur lequel plusieurs cintres étaient suspendus. Certains vides, d’autres, comme la commande de Nam Kyu ayant une étiquette avec le nom, le prix. Pour lui, généralement, je m’y reprends à plusieurs fois avant d’avoir réellement le prix, il n’a que le final, moi j’ai tout en tête et je sais qu’il me devrait des sommes qu’il ne peut pas se permettre. J’ajoute sur son ardoise on va dire, mais seulement ce qu’il me doit par mois et ce qu’il m’a déjà payé. Seulement à me demander toujours des vêtements, c’est quasiment un abonnement qu’il a. Je crois que j’innove dans ce domaine, qui paierait des vêtements par abonnement ? Hm… quoi que sur internet, il doit y avoir de tout.

Je lui présente les vêtements repris, les déposant devant lui afin qu’il les essaye comme toujours et lui laisse le loisir de s’admirer dans les divers miroirs présents de la boutique. J’attends patiemment qu’il donne son avis, même si je sais qu’il n’y aura rien à redire, je ne suis jamais à l’abris d’une surprise et plus encore quand il s’agit de lui. Mais ses mesures sont enregistrées dans mes petits dossiers, ce qui limite les problèmes liés à cela, quelques retouches peuvent être éventuellement faites pour que cela soit correct sur lui en revanche, ça je ne suis pas dans le tissu pour savoir comment il va les porter et comment ça lui ira. J’ai juste pris certaines habitudes et certaines aises à le faire à mesure de nos échanges, ce qui prend donc de moins en moins de temps.

« Alors ? » pendant qu’il essaie le tout, je pianote sur l’ordinateur sur mon bureau, au moins je ne me sens pas agressé par les fibres à chaque reprise. J’indique pour l’instant qu’il est venu récupérer sa commande sans indiquer de montant réglé. Lorsque je relève le nez, j’attends une réponse. Je reste professionnel, bien que nous nous connaissons. C’est une sale manie que de ne pas me mêler de ce qui ne me regarde pas suite à mes déboires avec un certain manitou avide de savoirs en tous genres. Ça a du bon d’être simplement un artisan.

Son air sombre suite à mes questions me faisait légèrement baisser le regard, pour trouver intéressant mes baskets usés par mes maladresses. Ranjit n'était pas méchant mais il avait un charisme écrasant malgré tout. Dire qu'il était juste un fils de meunier et dégageait tout de même une telle prestance. Ah, pourquoi est ce qu'on avait voulu m'épouser moi, un nain de jardin, alors que Wonderland regorgeait d'hommes et de femmes beaucoup mieux ? Au moins, j'aurai eu une vie tranquille avec ma mère plutôt que de courir dans la neige pour échapper à mon tortionnaire.

Enfin, j'étais quand même content de ne pas avoir à faire demi-tour si près de mes nouveaux habits. C'était toujours un bonheur pour moi de me rendre dans cette boutique car je ne partais jamais déçu. Le styliste m'avait d'ailleurs donné ce qu'elle avait fait pour que j'aille l'essayer. Je lui lançais un sourire avant de disparaître derrière un rideau. Je laissais tomber mes affaires et enfilais ceux crées par les douces mains de Ranjit. Je lui serai éternellement reconnaissant de me vendre son fabuleux travail à crédit. Je m’efforçai de rembourser le plus vite et le plus possible afin que mon ami ne finisse pas par dire stop au final. S'habiller à Séoul n'était pas évident quand on ne mesurait que 1m60. Je me fichais bien de mettre des tenues pour enfant chez moi, mais à l'extérieur c'était différent. J'entendais d'ailleurs Ranjit s'impatienter, et sortait de ma cachette pour m'admirer dans le miroir. Les couleurs sombres ne m'allait pas, alors c'était toujours dans les tons pastels, pour rejoindre mon teint de poupée et mes cheveux blonds. En tout les cas, les manches et le pantalon tombaient parfaitement en longueur.

- Tu as encore fait des miracles, merci beaucoup

Je tournais sur moi-même devant la glace et étant en chaussette, je n'avais pas prévu qu'une glissade viendrait pointer le bout de son nez. Je me retrouvais soudainement les cul sur le parquet, déchirant par la même occasion la couture du pantalon au niveau des fesses, laissant entrevoir mon caleçon Hello Kitty. Ce qui était très loin d'être ce qui m'embêtait.

- Oh non ! Ca s'est déchiré !

M'exclamais je après m'être relevé, et regarder le désastre dans le miroir. Ranjit allait me disputer, c'était sur. Je sentais mes yeux s'embuer de larmes, autant par la déchirure que j'avais commises mais aussi parce que je m'étais fait mal en tombant. Ca et puis aussi que je craignais les foudre de Ranjit. Après tout même si on se connaissait universellement, il restait un homme et les hommes ça faisait du mal.

J’attends qu’il daigne essayer la nouvelle reprise de vêtements, je sais qu’il va apprécier, du moins je n’en doute pas trop puisque je commence à le connaître, lui ses goûts et parce que je me fais confiance sur ce métier qui me tenait tant à cœur. Mais aujourd’hui ? C’est compliqué. J’aime, seulement j’en souffre à chaque fois qu’une matière passe sous mes doigts, c’est une brûlure qui me prend, dérange et qui pourrait occasionner quelques rougeurs, voir quelques coupures ou cloques. Une horreur en somme d’être condamné à coudre avec ce fardeau. Je croise les bras, droit comme un i en attendant qu’il enfile les vêtements histoire d’être sûr que tout corresponde et que je n’y vois aucun défaut. En quel cas ce sera pour moi, non pour lui de retoucher. Enfin, il apparaît et je le laisse se tourner, retourner. Tout va bien, je n’y note aucune erreur, c’est bien selon ses goûts et tout est parfaitement ajusté à sa petite taille. Il pourrait très bien aller dans des boutiques spécialisées, il n’est pas excessivement petit en comparaison d’autres, mais je doute qu’il veuille dépenser des sommes astronomiques et qu’on lui fasse crédit. Par ailleurs, j’ai remarqué que le choix était plus féminin et une fois encore, se travestir une fois lui avait sans doute suffi pour le restant de ses jours.

Il semble satisfait à en croire ses paroles et j’allais vaquer à mes occupations, noter le prix quelque part et lui dire qu’il pouvait repartir quand il le souhaitait, mais la catastrophe qui se produit me crispe complètement et mon regard se durcit dans un soupir. Mes yeux se ferment et sa voix résonne dans ma tête. Déchiré… le tissu est déchiré. Je frissonne d’horreur, plus à l’idée de devoir reprendre qu’à celle de me demander comment il en était arrivé à ce stade. Sans compter cette faute de goût que je vois dépasser du costume et les larmes qui menacent de couler. Je reste quelques secondes immobile pour ne pas m’énerver plus, mes poings se serrant avant même que je ne leur ordonne et mes lèvres se réduisant en une ligne. Ne pas cracher mon venin est une chose difficile que je ne maîtrise pas totalement encore et je n’ai pas la présence d’esprit de lui demander s’il s’était fait mal. Ça n’était sans doute pas grave de toute façon. J’ai toujours eu horreur des jouvencelles en détresse et il en a toujours été une à mes yeux… me rappelant outrageusement que j’ai été trimballé comme une vulgaire pièce de monnaie moi aussi. Je claque finalement ma langue contre mon palais et sors une chaise sans roulettes de la remise pour la lui passer. « Incroyable… vraiment incroyable. Remet tes vêtements et donne-moi le pantalon, je vais le reprendre maintenant » ce n’était pas la peine de lui dire qu’il pouvait patienter s’il le souhaitait que ce soit ici ou en flânant ailleurs pour éviter que mon regard croise le sien. Je ne suis pas plus amical que cela, je ne peux pas, je n’en ai aucune envie et ça n’est pas contre lui, mais pour toute cette colère qui bouillonne en moi et qui menace à tout instant de faire déborder le vase assez pour se déverser sur l’une des rares personnes capables de m’approcher. Il me craint, je le vois et il a bien raison.

J’attends toujours, préparant mes bobines de fil et ma machine à coudre. Ça n’allait pas être tâche facile à cet endroit, je risque même de devoir m’y coller à la main, mais peu importe, si je voulais échapper aux larmes de crocodile autant faire ça comme il fallait.

Ca ne pouvait arriver qu'à moi de déchirer une si belle tenue. Je m'en voulais terriblement d'avoir ainsi abimé le travail de Ranjit. Il avait surement un tas d'autres choses à faire que de réparer mes bêtises. Je ne savais pas quoi faire pour qu'il me pardonne. C'était sur qu'il ne me voudrait plus comme client, et ça me faisait mal de l'imaginer. On était, certes, pas des amis, mais on venait du même monde. Ce n'était pas un détail insignifiant pour moi qui avait débarqué dans ce monde il y avait juste un mois. L'illusion que je n'étais pas seul dans cette galère, ou tout du moins, je ne connaissais qu'un seul wonderlandais pour le moment. Il devait surement y en avoir d'autres à Séoul mais j'étais pas assez courageux pour me lancer dans une expédition. La peur de tomber sur d'autres méchants.

Les poins serrées et les lèvres pincés de Ranjit me faisait frissonner d'angoisse, et je fixai le sol. Le trouvant intéressant à regarder plutôt que le styliste qui était très en colère. Je comprenais son état, je ne pouvais pas lui en vouloir. Pourquoi est ce que j'avais été ainsi ? Je me traitais d'abrutis silencieusement, me demandant quelle idée il m'avait prit de faire autant de cinéma plutôt que de simplement essayer puis ranger. C'était en fait, la première fois que ça m'arrivait de déchirer une tenue. J'avais peut être grossis entre temps ? Avec toutes les pâtisseries que je dévorais jour après jours j'allai finir par être un petit garçon obèse. Je devais faire plus attention à ma consommation.

Ranjit avait fini par casser le silence pesant qui s'était installé dans sa boutique. Chaque mot me donnant un coup de massue, comme un enfant qu'on réprimande. Obéissant je filais dans la cabine pour me changer. Je tentais tant bien que mal de me retenir de pleurer malgré les quelques gouttes qui glissaient sur mes joues. Je passais la manche de mon pull dessus avant de sortir la tête basse, tendant le pantalon brisé à Ranjit.

- Je suis vraiment désolé...

Soufflais je avant d'aller m'asseoir dans un coin pour ne pas embêter le styliste et lui donne l'envie de me frapper avec sa machine à coudre. Je n'avais même pas de chocolat ou de sucreries avec moi pour me consoler. Je pouvais simplement me contenter de regarder dehors, notant qu'il s'était mis à pleuvoir et que je n'avais pas pensé à prendre mon parapluie. C'était vraiment une journée de merde. J'entais les bruits du travail de Ranjit, me rappelant ma bêtise et la culpabilité. Je devais le dédommager pour cet accident, c'était la moindre des choses. Vu le prix de base, est ce que c'était pas de trop de rajouter encore plus ? Ou peut être le styliste avait il un péché gourmand que je pouvais lui préparer ? Je devais lui poser la question, une fois que mon pantalon sera raccommodé.

Bien sûr il ne va pas dire un mot, il retourne dans la cabine comme un chiot qu’on vient de taper sur la truffe ou un enfant qui s’est fait sermonner ! Ah… ce comportement m’est totalement insupportable, nous sommes complètement opposés quand lui agit de façon à contenter tout le monde, moi je ne fais que soulever ce qui m’intéresse. J’expire profondément par le nez et en silence le temps qu’il me rende le pantalon et qu’il s’assoie non loin. Il ne me regarde pas et me dit qu’il s’excuse. Aussitôt, dans un geste incontrôlé, ma langue claque contre mon palais et je dois prendre sur moi pour ne pas que mes mots soient trop sévères. « Ce sont des choses qui arrivent, arrête de t’excuser, ça n’arrangera pas la situation, ça va être refait en quelques minutes je l’espère et on n’en parle plus » en somme, je répare ça ici et maintenant et s’il n’a pas compris que je ne le ferais pas payer plus cher, c’est qu’il est idiot. Parfois, à être trop gentil je me demande ce que c’est, fut un temps j’étais comme lui et cette image me hante encore. Je n’étais ni souriant, ni reconnaissant, mais j’étais serviable et poli, aujourd’hui si j’ai gardé les bonnes manières qu’on m’a inculquées avec plus ou moins de savoir-faire et beaucoup de force… je n’ai plus rien à voir avec le garçon innocent qui aurait pu aisément passer pour la princesse en détresse que l’on dépeint dans les contes. Fille du meunier, j’vous en foutrais moi…

Ça brûle, ce tissu me brûle complètement et je ne vais certainement pas en parler au concerné qui me donne plus de travail que je devrais. Je me contente de recoudre, par chance la machine a l’air de suffire, même si je vais devoir tirer sur les coutures pour les renforcer et que la partie délicate consiste à vraiment faire en sorte que rien ne soit visible au travers, en somme, je sors déjà ma loupe et mon attirail, le métal froid me fait plus de bien que la matière aussi travaillée soit-elle. Quand la tâche est terminée, j’inspecte la moindre fibre du vêtement, passant les mains pour tenter d’écarter le tissu, mais tout se passe comme je le voulais et cette fois, s’il craque, c’est qu’il le fait exprès. Je plie donc cette partie de la commande pour qu’elle soit mise avec le reste et croise les bras après avoir posé le tout devant mon bureau. « C’est réparé, fais attention, ça n’est pas fait pour jouer les acrobates »

Mes excuses mettaient encore plus en rogne Ranjit, qu'est ce que j'allai bien pouvoir faire ? C'était évident qu'il était fâché contre moi et qu'il mettrait des mois voir même des années avant de me pardonner. Du temps que j'allai devoir passer dans les magasins au rayon enfant sous l'oeil moqueur des autres. Ils ne savaient pas à quel point ce n'était pas drôle d'être petit. C'était très handicapant et parfois j'aimerai bien les voir à ma place. Il n'y avait pas que ma taille aussi qui avait un problème, j'étais loin d'être un héros vaillant et courageux. Je tombais souvent, me faisait mal et finissait par pleurnicher. J'avais une sensibilité à fleur de peau, et que dire de mes crises quand un homme s'approchait trop près de moi ? En plus d'avoir des traits féminins je me comportais comme une vraie fille, mais je n'arrivais pas à changer ça. J'avais trop peur de ce qui m'entourait pour me donner le courage de le faire et ni quelqu'un pour m'apprendre à devenir un homme, un vrai. Un qui n'aurait peur de rien malgré sa petite taille.

N'osant pas contrarier encore plus Ranjit, j'avais ravaler mes mots d'excuses. M'excuser de m'être excuser, ça sonnait ridicule pas vrai ? Je m'étais donc assis sagement dans un coin, songeant que c'était surement la dernière fois que j'avais le droit de mettre les pieds ici - à part pour payer. C'était triste, car j'adorais son travail. Mais ma maladresse m'avait encore fait mon malheur. Le son de la machine à coudre coupait le silence, jusqu'à ce que le styliste m'ait informé après quelques minutes de calme que c'était fini. Il me réprimandait tel un enfant, et une légère moue venait déformer mes lèvres. J'avais compris sans qu'il ne me le dise, que je devais faire attention et ne pas jouer au cirque avec.

- Je ferai attention promis...combien je te dois ?

Demandais je tout en sortant une enveloppe dans mon sac. J'avais apporté avec moi ce que j'avais pu économisé afin de pouvoir déjà légèrement rembourser le travail de Ranjit. La dette que je lui devais à chaque fois, je m'efforçais de l'effacer le plus rapidement possible. Mais je ne gagnais pas assez ma vie pour pouvoir le faire en deux fois. J'avais d'autres choses à régler pour ne pas finir dans la rue ou sans électricité. Remplir mon frigo était aussi indispensable, surtout pour quelqu'un qui adorait cuisiner.

- Est ce que tu aimes manger quelque chose en particuliers ? Je pourrais te le faire pour m'excuser d'avoir abimé ton travail...

Demandais je, baissant les yeux car je n'osai pas croiser son regard noir.

Les yeux mouillés, les larmes et les cris, je ne m’y ferais jamais. On m’a privé de la seule possibilité pour moi de les assimiler et je n’ai pas envie de faire d’efforts. Pourtant, quand il s’agit de ce client précisément, j’essaye de prendre des pincettes pour ne pas brusquer cette petit chose fragile et horripilante, néanmoins tolérable. Le destin ne m’aide pas souvent et lorsqu’il tombe et ruine mon travail, évidemment qu’il se met à craindre mes réactions. J’ai l’air si mauvais que ça ? Je n’ai pourtant pas été un si mauvais roi d’ailleurs… Je pince l’arrête de mon nez, lui dit d’arrêter de s’excuser et lui remet le pantalon avant qu’il ne se mette à parler prix. « Il n’a pas changé depuis tout à l’heure le prix » pour qui me prend-t-il ? Les contes de fée n’existent pas ici et je suis loin d’être le méchant de l’histoire, loin de moi cette envie, même si je n’ai cure de ce que l’on peut penser de moi ou du sort des autres, il y a un minimum de limites à ne pas dépasser et concernant les wonderlandais, plus encore. Après tout, je suis superstitieux et j’aime croire que si nous devons tous y retourner un jour, autant que ce soit en bons termes avec la majorité de ceux que j’ai croisé ici. Plus encore, si ça influait maintenant sur ma façon d’être, sur ce monde ? On n’en sait rien, chez nous c’est magique et pour peu qu’on en apporte ici…

Enfin, ça n’a pas d’importance. J’étais plongé dans mes pensées et ça m’apprendra, j’ai donc à moitié compris ce qu’il me proposait et je plisse les yeux en le regardant quand lui cherche à éviter de croiser mon regard. Il va falloir qu’il arrête son cirque. « J’ai l’air si dangereux que ça pour que tu ne me regardes pas dans les yeux quand on se parle ? Ne me fais pas passer pour un monstre quand je n’en suis pas un. Etre la majorité du temps désagréable ne veut pas dire que je tuerais pour un foutu pantalon craqué… » enfin, si… mais pas au sens propre, il y a tout un tas de sens figurés qui pourraient me convenir, mais il n’a pas besoin de le savoir. « Je n’y ai pas vraiment réfléchi… » je me contente de peu à vrai dire, alors je ne connais pas les repas qui sont préparés ici et je suppose que lui se familiarise de la même façon. Ce qui est sûr c’est que je ne lui ai pas dit non.

Si Ranjit avait augmenté le prix, je n'aurai pas rouspéter car c'était légitime après ce que j'avais fait. Déchirer son si beau travail ça se payait mais ce n'était apparemment pas la mentalité du tales. Je m'en sentais tout de même un peu soulager, car sinon ça aurait augmenté mes dettes et mine de rien, à la fin du mois, je n'avais plus grand chose dans mon porte-monnaie.

- Oh d'accord...

Je lui tendais alors l'enveloppe que j'avais préparé pour rembourser un petit ce que je devais comme argent. Les billets ne tombaient pas du ciel ni ne poussait dans les arbres comme dans les contes de fées. A la base je ne roulais pas non plus sur l'or de l'autre côté du miroir alors ça ne changeait pas vraiment ma façon de vivre niveau économie. Pour le reste, bien sur j'avais dû m'adapter au monde moderne avec les voitures, l'informatique et l'électricité. Ces inventions étaient tellement extraordinaires. Je n'en revenais toujours pas de ce qui m'entourait quotidiennement. Certains Tales s'étaient surement adapter plus rapidement que moi. Je galérais encore avec mon téléphone portable et la télévision parfois en ne me souvenant pas sur quel bouton il fallait appuyer.
J'étais beaucoup plus doué en cuisine, domaine dans lequel j'étais excellent - sans vouloir me jeter des fleurs - et afin de me faire pardonner auprès de Ranjit, ce dernier avait peut être un péché mignon. Je lui avais donc posé la question après avoir rassemblé tout mon courage même si mon regard s'était porté sur mes chaussures.

- Hein ? Non...non tu n'es pas un monstre ! J'ai jamais pensé ça ! C'est juste que tu es...comment ils disent...charismatique ?

J'avais planté mon regard dans le sien cette fois ci, suite à ses paroles. Ranjit n'était pas un monstre, loin de moi l'idée de penser ça. Le seul monstre que je connaissais c'était Linus et les Hunters qui nous voulaient du mal - d'après Ji Ran. Le styliste était tout simplement impressionnant mais dans le bon sens. Je n'étais qu'un petit homme qui faisait 1m60, c'était normal de se sentir écrasé non ?

- Oh...alors si jamais quelque chose te fait envie hésite pas à m'envoyer un message je te l'apporterai...Pour te remercier de tout ce que tu fais pour moi...

Car ce n'était pas évident d'habiller quelqu'un comme moi. En plus Ranjit me faisait crédit et je lui en était encore plus reconnaissant.