no need for payback

À quelle heure était-il arrivé déjà? Il avait l’impression que ça faisait des jours qu’il fixait le même livre, assis à la même table, à réécouter la même playlist, massant ses cuisses dont la douleur, bien que moins intense qu’il en avait l’habitude, ne semblait pas vouloir le lâcher depuis quelques temps. Et puis n’avait-il pas déjà lu cette phrase plus d’une dizaine de fois dans les dernières cinq minutes déjà? Peut-être méritait-il une petite pause. Et cette idée fût grandement encouragée par le bruit qui quitta son estomac, brisant le silence de la bibliothèque, alors qu’il jeta des regards autour de lui en espérant que personne n’avait pu l’entendre. Avec des gestes lents, il retira ses lunettes pour les déposer près de son cahier de notes, déjà noircis de sa calligraphique la moins élégante. Levant la main droite vers le plafond, la gauche glissant derrière sa tête pour la poser sur son bras, il s’étira de tout son long, autant que sa colonne vertébrale le lui permettant et tentant même de faire craquer son cou. À avoir la tête penchée dans les bouquins, ses pauvres os commençaient à le faire souffrir et sa main, qui n’avait cessé d’écrire depuis qu’il avait ouvert ses notes, lui semblait plus lourde qu’à l’habitude.

Quand enfin son cou fit le bruit espéré, il affiche un sourire satisfait avant de ramener son attention sur ses notes et ses lectures. couvrant sa bouche de ses doigts pour cacher le long bâillement qu’il n’arrive plus à retenir. Il était inutile de continuer pour le moment, le jeune homme savait très bien que plus rien ne pourrait lui rentrer dans le crâne. Il valait bien mieux s’arrêter maintenant, prendre une bonne soirée de repos et s’y remettre demain, bien qu’il lui semblait que ce plan comporte deux failles. La première était que le sommeil, depuis quelques temps, il avait décidé de jouer les déserteurs. Ha-Neul passait une bonne partie de ses nuits à rouler dans son lit, sortir un livre de sous son oreiller, se promener dans son minuscule studio ou simplement se gavin de cachet d’aspirine à attendre que le sommeil vienne et que ses jambes décident de coopérer à sa situation. La seconde était que, justement, le livre sous son oreiller était bien trop tentant, l’empêchant de fermer les yeux pendant la nuit, le regard rivés sur les mots et les histoires d’un passé lointain qui le fascinait. Sa curiosité n’étant jamais satisfaite, il n’arrivait pas à vider sa tête assez longtemps et d’apaiser sa soif de connaissances pour s’assoupir. Et les rares fois où le sommeil  l’avait conquis, il se réveillait quelques heures plus tard avec son réveil qui lui hurlait aux oreilles, les pages de son livre collé à son visage. Il avait beau se plaindre de ses douleurs, il fallait avouer aussi que le jeune étudiant n’essayait pas de s’éviter ce malheur et cette fatigue, au final.

Après avoir remis ses lunettes, il referme enfin ses cahiers et bouquins pour pouvoir glisser ces derniers dans son sac, non sans une certaine satisfaction. Ha-Neul adorait la bibliothèque, mais à passer ses journées ici, il commençait à comprendre les gens qui ressentait un certain réconfort en rentrant chez eux le soir. Il glissa son sac sur son épaule après s’être levé - remerciant mentalement ses jambes de vouloir bien coopérer - et couvrant un nouveau bâillement de sa main, il attrape son téléphone qui était resté sur la table, jetant un coup d’oeil à l’écran pour changer la chanson qu’il écoutait. Son attention n’était porté que sur cette babiole technologique entre ses doigts - qu’il ne comprenait toujours pas très bien, soit dit en passant - alors qu’il se dirigeait vers la porte. Il n’eut pas besoin de regarder son chemin; après tout il connaissait la bibliothèque presque par coeur. Mais peut-être aurait-il dû le faire, pour éviter la maladresse ambulante qu’était la personne qui lui fonça dedans de plein fouet, lui faisait échapper son téléphone.

Ce dernier fit un joli vol plané, une fois les écouteurs libérés des oreilles de Ha-Neul, et tomba face contre terre, et le bruit qui résonna n'annonce rien de bon. La bouche ouverte, une expression de pure horreur sur le visage, le jeune homme lève les yeux vers le fautif avant de se diriger vers son téléphone, priant, espérant. Il n’avait pas vraiment les moyens de s’en offrir un nouveau, après tout.

Combien de jour depuis qu'il avait manqué de finir en rôti ? Ou en ragoût... Ou... Enfin, dans l'estomac de son voisin dans la finalité des choses. Il avait dit qu'il attachait les gens après tout ! Sûrement comme on faisait avec les rôtis... Il en avait encore des frissons. Et comment quelqu'un pouvait vivre dans un tel taudis ?! Il n'avait jamais vu un appartement aussi mal rangé, sombre, inquiétant, malodorant, disons le aussi... Il repensait encore à la seule plante mourante sur le sol, et puis au balai. Aam Bao avait brisé en deux un balai sous les yeux de l'étudiant, qui s'était plutôt bien visualisé à la place, et avait fondu en larmes comme un bébé. Depuis, il avait de toute évidence mis en pause son enquête sur les personnages de contes qui squatteraient Séoul, se disant que peut-être, s'il arrêtait de chercher, certains viendraient à lui d'eux-même. Baba Yaga, c'était vraiment trop extrême, et s'il voulait prouver à Eleanor que cette théorie était véritable, il préférait lui présent quelqu'un de moins... dangereux ? Effrayant ? Mieux élevé en tous cas ! Sa complice était si naïve qu'elle courrait des risques avec un cas social comme son voisin.
Il ne se remettait toujours pas non plus des derniers jours, où il avait semblé se passer une liste de choses étrangers chez la réincarnation de la sorcière cannibale. De toute évidence, pas uniquement des choses que les enfants devraient savoir. Seth se comptait parmi les enfants, venant d'un gars qui n'avait même pas eu son premier bisou, entendre son voisin faire... du bruit, pour rester peu descriptifs, c'était vraiment traumatisant. Il s'était caché sous la couverture, se demandant quand les sons infernales cesseraient. Les ours en peluche l'avaient un peu rassuré, mais il s'était vraiment demandé si son  voisin n'était pas un lapin plutôt qu'un humain. Baba Yaga était juste cannibale dans ses souvenirs, mais avec le passage d'un monde à l'autre... Est-ce qu'il y avait des effets secondaires ? Il espérait simplement que toutes ces personnes revendiquant venir d'une autre dimension n'étaient pas du genre à vouloir faire des choses plus adultes aussi souvent...
D'ailleurs, l'étudiant commençait à se demander s'il ne devrait pas chercher à savoir s'il pouvait améliorer l'isolation. Ou investir dans des bouchons d'oreille, ou un casque pour atténuer le bruit... De toute évidence, il ne pensait pas être capable d'assassiner son voisin, quoi qu'il arrive. Il n'avait pas assez de forces, et s'il le poussait d'un étage, ce tordu serait capable d'en sortir vivant. Quant aux possibilité de faire déménager son voisin... Etant donné comment il était craint, ce n'était même pas une option. Quel enfer...
Seth, perdu dans ses pensées, n'aperçut donc pas arriver une autre personne tandis qu'il traversait la faculté. Étant complètement évasif, et un empoté, de surcroît, il avait donc percuté de plein fouet un étudiant, titubant en reculant, ne réalisant pas dans un premier temps ce qu'il avait provoqué. Puis, en le réalisant, voyant un téléphone à l'écran en miettes par terre, son cerveau afficha un immense panneau "Fuyons, vite". Sauf que Seth, il savait bien que s'il courait, sous la pression, il allait se ramasser d'une manière ou d'une autre. Et là, il pourrait se faire tirer les oreilles. Alors, il tenta le tout pour le tout, déroulant un ramassis de mots désordonnés, en pleine panique :

- Désolé, je ne t'ai pas vu arriver. C'était que c'était l'intersection... Puis euh... Tu... A propos... J'ai pas d'argent, me traîne pas en justice parce que je peux pas rembourser.

Sa voix s'était brisée sur les derniers mots, tandis qu'il s'inclinait d'un air encore plus paniqué qu'en commençant sa tirade. Que faire ? Se rouler par terre en pleurant ? Implorer les dieux ? Un coup de boule dans la tête de l'inconnu en espérant qu'il perdrait la mémoire ? Non... Non, ça... C'était fréquenter Aam Bao qui lui donnait ces idées ? Ce voisin avait une mauvaise influence !
...Ne pouvait il pas lui faire un exposé sur son voisin pour expliquer la catastrophe qu'il venait de provoquer ? Il pouvait être compréhensif. Ou pas.

- J-Je peux faire tous tes devoirs si tu veux. Tu es en quelle année ? Quel champ d'études ? pleurnicha le peroxydé.

Il devait aller en cours. Il allait être en retard. Le professeur pourrait lui refuser l'entrée en salle. Il allait vraiment pleurer si ça continuait. Et il ne pouvait décemment pas revenir squatter le restaurant où travaillait Da Hui pour lui exposer ses malheurs, ce pauvre petit ange avait déjà beaucoup fait pour lui.

- Je... Laisse tomber, au revoir, il s'est rien passé, déblatéra l'étudiant, raide comme un piquet, s'en allant sans demander son reste.

Persuadé de ne pas recroiser ce garçon, il s'était sauvé en cours, songeant qu'il n'y aurait rien par la suite.

Rien du tout, sauf quelques jours plus tard, le garçon en question à la bibliothèque. A cet instant là, l'étudiant en astronomie était plongé dans ses livres, mais en voyant le visage de bébé du garçon qu'il avait percuté il y a de ça quelques temps, il s'était raidit. Signe du destin ? Malédiction ? Il s'était levé, tout doucement, tentant au mieux de ne faire aucun bruit. Il avait commencé à repousser la chaise pour s'extirper et aller longer les murs, là, tout au fond, en attendant que l'autre étudiant rentre chez lui. Il comptait rester derrière des étagères, espionner comme il faisait si bien (non)...
Enfin non, en fait, il avait réveillé même les élèves somnolant en bavant sur leurs tables, en faisant tomber sa chaise dans un gros fracas. Fracas qui avait résonné dans toute la bibliothèque, laissant planer un des silences les plus effroyables qu'on puisse entendre.

- Désolé......

Seth et sa maladresse, exemple 4567890.

Son regard se posa de nouveau bien vite sur le fautif lorsque ce dernier commençait à s’excuser, puis se lançait dans une tirade concernant son compte en banque. La bouche ouverte, comme si il n’avait toujours pas accepté la réalité de la situation, l’étudiant en histoire fixait son interlocuteur avec un air hébété, presque incapable de se mettre en colère face aux flots de mots quittant les lèvres de l'inconnu. Alors que dans le cerveau de la victime il y avait l’horreur ; jamais il ne pourrait s’offrir un nouveau téléphone, du moins pas sur ses minces économies et encore moins avec les bourses d’études dont il avait droit. Il avait tout de même un appartement à payer, de la nourriture à s’acheter, des frais scolaires qui devaient être réglés… Aussi bien dire que c’était la tempête dans la tête de Ha-Neul qui voyait déjà son portefeuille se vider tout seul, l’argent s’évaporant presque entre ses doigts alors qu’il ne l’utilisait déjà que pour des nécessités. Ses pensées alarmistes furent interrompues lorsque l’inconnu lui offrit, visiblement en désespoir de cause, de faire ses devoirs. La proposition lui fit froncer les sourcils, comme si le jeune homme venait de lui proposer la chose la plus absurde existant au monde. Mais à peine Ha-Neul levait-il la main pour qu’il arrête de parler et pour pouvoir à son tour répondre, l’autre étudiant pris presque ses jambes à son cou en affirmant que rien n’était arrivé.

Il tendit la main vers le garçon, comme dans une tentative désespérée de le retenir, mais l’autre s’enfuit rapidement, laissant Ha-Neul seul avec son téléphone à l’écran éclaté. Il fit claquer sa langue contre son palais, sentant enfin la mauvaise humeur le gagner comme une boule au fond de son estomac, alors qu’il ramassait la brique technologique pour en évaluer les dommages. La colère était un sentiment qu’il avait souvent et vivait presque avec passion, fixant l’écran dont le verre autrefois lisse était maintenant parsemé de craquelures. Il était encore fonctionnel, totalement utilisable. Mais en tant qu’étudiant vivant avec peu de ressources, il portait une attention particulière au bien-être de ses affaires et il était frustrant que quelque chose d’aussi cher ait soudainement perdu toute sa valeur pour un malheureux accident. Et dans sa colère, il pensa à toutes les façons de se venger pendant qu'il prenait la direction de chez lui. S’imaginant même traîner le malheureux étudiant par les cheveux jusqu’à la boutique électronique la plus proche pour qu’il lui achète le modèle dernier cri, tout en gardant sous silence qu’il ne saurait probablement pas comment l’utiliser de toute façon. Bien sûr, il se doutait que la chance de retomber sur l’autre étudiant était mince, mais s’imaginer ces petits scénarios lui permettait de faire son deuil d'un écran en parfaite condition. Et la colère qu’il avait ressentie le premier jour avait finit par fondre tranquillement, alors qu’il s'habituait presque déjà aux rayures et craquelures, considérant que de toute façon il utilisait surtout le téléphone pour la musique et non pour regarder des vidéos ou des trucs du genre. Il pouvait bien vivre avec ces petits défaut d’ici à ce qu’il puisse se permettre un nouvel appareil.

Il retournait donc à la bibliothèque, et la première journée suite à l’incident, il fixait l’endroit où le malheur s'était produit. Cependant, il laissa bien vite de côté ce mauvais souvenir pour se concentrer sur ses livres et ses études. Recommençant à parcourir les allées à la recherche de bouquins sur des sujets spécifiques, ses doigts effleurant les reliures alors que  ses yeux parcouraient les titres qui y étaient inscrits. Son visage semblait s’éclairer lorsqu’il trouvait ce qu’il cherchait, attrapant le livre pour retourner à sa place - celle qu’il prenait toujours, pas trop loin des fenêtres, mais aussi pas trop proche des autres, dans le but d’avoir un peu de calme - feuilletant déjà sa découverte avec plaisir, sans même s’apercevoir de l’émoi que sa simple présence faisait vivre à cet étudiant croisé il y a plusieurs jours. Mais alors qu’il faisait son chemin, le fracas de la chaise tombant derrière ce dernier lui fit relever les yeux. Son regard se posa aussitôt sur le fautif et il le reconnut instantanément. Et tous ses plans de vengeances, qui avaient disparus en même temps que sa colère, lui revinrent soudainement en tête. Et pourtant…

Ha-Neul referma le livre d’un mouvement sec, s’approchant de l’autre étudiant qui s’excusait déjà sous les regards lourds et accusateurs de ceux qui les entourait. Il aurait pu lui faire signe de le suivre pour lui demander de se faire pardonner d’avoir fracasser son téléphone portable. Ou il aurait amplement eu la chance de lui jeter un terrible regard noir, empli de colère, avant de le dépasser pour retourner s’asseoir. Mais à la place, il cala le bouquin sous bras en s’approchant de l’autre et se pencha pour replacer la chaise, comme dans une tentative de faire la paix. C’était surement l’expression de l’autre qui avait fait que l’étudiant en histoire n’était pas arrivé à se mettre en colère. Mais aussi le fait que, tout comme la chaise, son téléphone éclaté n’était qu’un accident. Et bien que du genre colérique, Ha-Neul était aussi rationnel; c’est pourquoi une fois la chaise remise en place, il se redresse, observant l’autre et affichant un sourire qui se voulait des plus amicaux, mais aussi indulgent. Un peu comme si il tentait de lui faire comprendre qu’il ne lui en voulait pas. Le tout fut ponctué d’un léger mouvement de tête en guise de salutation, puis d’un mouvement de la main vers les spectateurs autour d’eux, pour les encourager à retourner à leurs études et cesser de donner de l’attention à celui qui, Ha-Neul le devinait, était simplement une victime de sa propre maladresse.

Seth, il avait eu le temps d'angoisser. Enfin, il avait quand même plus penser à ses cours, et à investir dans un casque anti-bruits. Mais dès qu'il avait un espace dans son esprit, il repensait à cette altercation, regardant autour de lui dès qu'il mettait un pied à la fac pour être certain qu'il ne reconnaissait pas une des dernières victimes en date de sa maladresse. S'arrêtant à toutes les intersection, vérifiant les sorties des amphithéâtres, des salles, se planquant dans des coins de couloirs dès qu'il lui semblait reconnaître une silhouette trop familière... Cache-cache avec un type qui ne le pourchassait peut-être même pas ? Oui. On n'était jamais assez prudent pour éviter de repayer un téléphone. Seth n'aurait pas l'argent, sinon, il aurait surtout songé à déménager. Il pourrait demander de l'argent à ses parents, mais il faisait de son mieux pour être au maximum indépendant, et il voulait prouver qu'il était un grand... ce qui n'était pas vraiment une réussite, jusque là, en effet. Il n'arrêtait plus de collectionner les problèmes, si bien qu'il pensait un jour venir à la fac caché sous un carton pour ne pas se faire reconnaitre par ses gens qu'il avait bousculé, ou dont il avait renversé les affaires.
Toujours est il que ce jour-là, il s'était posé à la bibliothèque pour étudier, comme à son habitude. Il avait juste changé d'emplacement par rapport à d'habitude, sans plus penser que ça aux possibles conséquences de cet acte anodin... C'est à dire que quand son regard avait croisé l'étudiant de la table en face, il avait crû voir arriver la fin de sa vie. La seule solution ? Fuir, déguerpir. Discrètement. Mais Seth et la discrétion ? Les deux dans la même phrase, c'était une fois tous les dix ans. Malgré tout, en grand optimiste, il s'était dit que cette fois, il ne produirait aucune catastrophe. Il aurait dû être réaliste, et savoir qu'il allait se passer quelques chose. Et en effet, dès qu'il avait bougé un peu sa chaise, celle-ci s'était écrasée dans un effroyable fracas. Le peroxydé s'était excusé, s'écrasant sous le pathétisme de la situation, ayant presque envie de pleurer.
En voyant l'étudiant qu'il avait passé des jours et des jours à éviter comme la peste se lever, il avait littéralement vu sa vie défiler sous ses yeux. Et s'il ne pouvait plus payer son loyer parce qu'il lui faisait repayer le téléphone le plus à la pointe technologiquement ? Il allait finir à la rue. Comment faire pour manger ? Peut-être qu'on allait juste l'assassiner. Finalement, Aam Bao n'était peut-être pas si terrible au fond... Il l'avait menacé, mais il ne l'avait toujours pas mangé, non ? Aam Bao moins dangereux qu'un étudiant de sa fac, il aurait l'air malin après sa mort quand il devrait expliquer ce qui le menait là !
Mais contre toute attente, le petit brun avait juste replacé la chaise tombée au sol, rendant encore plus confus le décoloré. Qu'est ce qu'il faisait ? Pourquoi ? Il ne comprenait pas forcément, mais il espérait que du coup, il n'allait pas mourir. Cette mort serait inutile de plus, et puis, il était convaincu qu'il servirait bien un jour à autre chose. En le voyant lui sourire, il ne sut toujours pas comment réagir, complètement perdu. Vraiment, il ne saisissait rien à ce qui était en train de se passer. Il regarda son ancienne victime le saluer généralement, et faire signe aux autres de retourner à leur occupation. Seth réalisa alors avec horreur qu'il avait des dettes. Il voulait qu'il lui achète une voiture, peut-être ? Oh non, c'était pire que prévu.
Ne pouvant évidemment pas parler vu que la bibliothèque devait rester un endroit silencieux, il avait tiré la chaise à côté, invitant le petit brun à s'asseoir. Puis, il attrapa son cahier, et un crayon à papier, gribouillant sur une page une phrase... qu'il dû bien réécrire et effacer plusieurs fois avant de songer à une suite. Il devait au moins s'excuser... Puis le remercier. Il doutait fort que cette victime de sa maladresse ait oublié le coup du téléphone.
Alors une fois les mots inscrits, il poussa doucement le cahier vers son interlocuteur, lui laissant aussi le crayon.

"Je suis désolé pour la dernière fois. Vraiment, j'aurais dû faire plus attention, et puis, ne pas partir comme ça. Merci pour tout à l'heure. Hum... J'ai pas d'argent pour te rembourser, mais je peux te donner l'adresse d'un restaurant, je connais le serveur, je lui dirai que je paierai tes consommations quand tu iras si tu veux."

Il balaya le sol du regard avec nervosité, n'osant pas lever les yeux vers son interlocuteur, effrayé de le voir mal réagir. Il était vrai qu'il pourrait toujours demander à Da Hui ce genre de services... Il paierait à la place de ce garçon. Enfin... un restaurant de poulet grillé, n'était ce pas un peu cheap ? Tant pis, c'était tout ce qu'il avait trouvé.

Il n’avait jamais été très reconnu pour sa gentillesse. En fait, Ha-Neul passait souvent pour le mec de mauvais poil, qui se mettait en colère facilement ou qui ne daignait même pas répondre quand quelqu’un lui posait une question qu’il jugeait un peu trop stupide. Mais il avait une tendance à vouloir beaucoup aider les gens qui en avait besoin malgré tout, et c’est surement l’une des raisons principales pourquoi il était devenu bénévole auprès de ces gens venu d’un autre monde. C’est aussi pourquoi, quand il avait vu l’autre aussi alarmé, il avait été facile de le rejoindre pour lui offrir un petit coup de main, même si ce n’était que de redresser sa chaise pour lui et lui sourire. Il avait déjà assez d’ennemis comme ça, le jeune étudiant. Il était inutile de s’en faire un simplement à cause d’un écran fissuré. Il fallait bien qu’il s’avoue par contre que l’air qu’avait fait l’autre en le voyant se levant valait probablement amplement l’argent qu’il aurait fallu pour réparer son téléphone portable. C’était comme si l’étudiant en histoire était un bourreau qui venait de signer son arrêt de mort et qui se dirigeait à présent vers la victime, faux à la main. Et ce sentiment l’amusait beaucoup; il n’avait pas l’habitude de créer de la peur chez les autres, au contraire. On le prenait souvent pour le mec innocent, terrifié au moindre bruit, alors qu’en fait Ha-Neul était quelqu’un d’assez téméraire. Mais avec ce corps chétif et ces traits qui tiraient plus souvent vers le adorable, il était loin d’être un prédateur féroce qu’on craignait. On avait plutôt tendance à lui pincer les joues et lui tapoter le haut de la tête.

Une fois le sourire fait, et surtout la foule calmée, il s’apprêtait à tourner les talons pour retourner s’asseoir et continuer ses études. Il avait laisser en suspens un passage particulièrement intéressant et il avait bien hâte de terminer son chapitre. Et puis il avait encore un papier qu’il allait devoir rédiger ce soir. Homme occupé, que voulez-vous. Il aimait avoir toujours quelque chose à faire après tout. Mais l’autre étudiant l’invita plutôt à s’installer près de lui, tirant la chaise voisine à la sienne. Aussi accepta-t-il l’invitation, s’installant près du coupable pour la maltraitance technologique, haussant légèrement un sourcil. Son visage affichait un air intéressé, curieux de savoir pourquoi il lui offrait une place près de lui. Surtout considérant que leur dernière rencontre n’avait pas été une en bonne et dû forme et qu’elle c’était finit un peu soudainement, avec le garçon s’enfuyant presque à toute vitesse en lui demandant de ne pas le traîner en justice. Il le regarde gribouiller…. puis effacer…. puis écrire de nouveau. Il semble à avoir du mal à trouver les bons mots, et cette vision amuse bien Ha-Neul. Il semble maladroit, le pauvre, et le jeune étudiant en histoire ne peut s’empêcher d’avoir un sourire amusé en le voyait faire. Il finit par pousser son cahier vers lui, et il peut donc parcourir des yeux le mot qui lui a pris tant de temps à rédiger.

Les excuses lui font plaisir, bien que ce ne soit qu’un accident. Il ne devrait pas se sentir si mal. L’offre est généreuse, mais il se sentirait probablement trop mal pour l’accepter comme ça, surtout s’il y allait seul… Il s’empare donc du crayon pour écrire à son tour, lui heureusement sans effacer plusieurs fois, avant de pousser le cahier vers le garçon. Il sourit toujours de façon amusée, mais aussi amicale, comme s’il essayait de créer une amitié autour de ces mots écrits - qui lui convenaient parfaitement, soit dit en passant. Écrire était plus simple pour se faire comprendre que de discuter.



Une fois le crayon reposé, Ha-Neul appuie son menton dans sa main, fixant l’autre, curieux de voir ses réactions, mais gardant tout de même un oeil sur ses affaire sun peu plus loin. Il avait cette tendance à ne pas quitter des yeux ceux avec qui il entretenait des conversations. Peut-être parce que lui-même devait garder l’attention des autres pour se faire comprendre. Un peu comme un marque de respect, lorsqu’il prêtait l’oreille à ses interlocuteurs.

Seth, ce n'est pas un garçon aussi compliqué qu'on peut le croire. On a tendance à lui rajouter des dimensions en croyant que sa maladresse est parfois un acte fait exprès et voulu, or, ce n'est jamais vraiment le cas. Il se retrouvait vite affublé de traits qui ne le décrivaient pas. Mais plus encore, il s'attirait une impressionnante liste d'ennuis, qui faisait son statut de catastrophe ambulante. Où qu'il aille, il se passerait un truc, selon une légende... Une légende avec un fond de vrai. Oui, il était vrai que chaque jour était une nouvelle aventure avec l'anglo-coréen, même si ce n'était pas forcément des aventures très glorieuses ou mémorables... Enfin, cette histoire de téléphone cassé allait peut-être coûté sa dignité, s'il devait aller demander de l'argent à ses parents avec les yeux larmoyants. Ce n'était pas quelque chose qu'il souhaitait forcément...
Il regarda le jeune homme face à lui écrire, l'estomac noué par l'appréhension. Et si ça se passait mal ? Il allait vraiment lui demander de racheter un portable ? L'étudiant en astronomie avait beau réfléchir, il ne trouvait aucun moyen de s'échapper cette fois. Comment allait il survivre ? Il ne savait plus. Voyant que l'autre étudiant pousser à nouveau le cahier vers lui avec un sourire, il l'interpréta presque comme menaçant à première vue. Il allait lui demander un remboursement, il était cuit. Mais en lisant ce qu'il avait écrit, il fut instantanément soulagé. Il acceptait ses excuses. Il ne pu s'empêcher de soupirer de soulagement, à deux doigts de sauter dans les bras de son vis-à-vis pour lui faire un câlin et le remercier. Et puis, ce garçon semblait... vouloir faire connaissance ? Le peroxydé craignait de se tromper, mais il espérait très fort, parce qu'il était triste de n'avoir que Nam Kyu et Da Hui comme amis (même s'il n'était pas encore certain pour Da Hui), et Eleanor pour le suivre dans ses plans foireux. Il ne pouvait pas se reposer toujours sur eux, et puis, maintenant qu'il commençait à connaître des personnes, il ne voulait vraiment plus se sentir autant seul qu'avant.
Il tira à nouveau le cahier plus près de lui, reprenant son crayon pour écrire. Mais entre temps, il jeta un coup d'oeil au brun face à lui, comme inquiété par l'idée qu'il reparte. Non, il n'allait pas partir. Seth voulait un autre ami... il avait subitement envie de blinis au saumon aussi. Son ventre menaçait de gargouiller à tout moment... Alors il se dépêcha d'écrire, effaçant encore quelques fois, mais moins que la première fois, avant de pousser à nouveau le cahier vers son interlocuteur.

"Oui, en effet. Je m'appelle Seth, et toi ? Un jour je t'inviterai aussi au restaurant de Da Hui alors, c'est un ami, il est super gentil, et c'est bon la nourriture à son restaurant. Tu étudies quoi ? Moi j'étudie l'astronomie !"

Il le regarda, à la fois nerveux et curieux. Il voulait vraiment un ami, vraiment vraiment. Et il jetait son dévolu sur cet inconnu, à propos duquel il s'était quelques temps avant, qu'il allait le faire lui acheter un portable ou le traîner à une banque lui verser une somme astronomique d'argent. Changement rapide d'avis ? Ou besoin désespéré d'avoir des gens pour l'apprécier ? Il ne savait pas trop lui-même, si ce n'est qu'il se sentait seul.

Le changement d’expression sur le visage de son interlocuteur amusa grandement l’étudiant en histoire. Il avait décelé la crainte qui teintait ses traits depuis qu’il avait pris place près de lui, comme si Ha-Neul allait lui faire une demande sans queue ni tête, ou allais le menacer de quelque violence que ce soit. Il aurait voulu lui dire qu’il s’inquiétait pour rien, qu’en vérité il n’avait rien à craindre, mais dès que le visage du garçon s’éclaira alors qu’il lisait son message, il se dit qu’il avait compris qu’il était loin de lui devoir quoique ce soit. Le soupire de soulagement que le blond poussa fit même presque rire le savior. Ha-Neul adorait voir les expressions changées sur le visage des autres. Il se savait très expressif, mais il aimait pouvoir savoir ce que ressentaient les autres d’un simple coup d’oeil, ainsi il ne quittait pas son interlocuteur des yeux, tentant de déceler ce qui lui passait par la tête alors qu’il rédigeait une réponse, toujours en effaçant et réécrivant des bouts de phrases. Était-il nerveux de sa présence? Pourtant, Ha-Neul était loin d’être quelqu’un de intimidant; il n’était pas très musclé, ne parlait jamais, et portait des lunettes lorsqu’il étudiait. Loin d’être une menace.

Bientôt, l’autre étudiant repousse le cahier vers lui et Ha-Neul se penche vers la note pour la lire. Aussitôt, il s’imagine le ton excité de l’autre. Il le voit presque sautiller avec joie, un immense sourire au visage et parler rapidement, lui jetant une tonne d’information en quelques secondes à peine. Après tout, le message écrit était riche en information malgré sa longueur, et c’en était presque attendrissant, voire même adorable. Seth, alors? Il avait probablement des origines qui venait d’ailleurs. Anglaises, américaines peut-être. Ou quelqu’un qui était fasciné par la panthéon égyptien. Oui, l’étudiant en histoire avait cette tendance à analyser les noms parfois, surtout lorsqu’ils avaient derrière eux plusieurs possibilités de provenance. Il reprend le crayon à son tour avant de tirer le cahier vers lui, secrètement ravie qu’ils discutent ainsi plutôt que d’avoir à faire des signes qui n’étaient pas toujours simple à comprendre pour des gens qu’il rencontrait pour la toute première fois. Il rédigea sa réponse avant de lui redonner le tout, espérant au moins qu’il ne s’agissait pas d’un cahier de notes important pour Seth, sinon il perdrait des feuilles à discuter avec lui plutôt que de prendre des notes précieuses.



Ils c’étaient foncés dedans une fois et c’était déjà retrouvé; ça faisait du sens dans sa tête. L’autre aussi devait être dans les révisions jusqu’au cou non? Quoique… Ha-Neul passait son temps à la bibliothèque, que ce soit pour réviser ou simplement relaxer. Le plaisir d’explorer les rayonnages, de trouver de nouveaux livres. Le silence et le calme de l’endroit. Il adorait cet endroit. C’était comme une île au trésor à ses yeux où il trouvait toujours quelque chose d’inconnu, une information qu’il ne connaissait pas. Sa curiosité du monde n’était jamais rassasiée, mais au moins ici il pouvait la nourrir autant qu’il le souhaitait, quitte à en oublier l’heure et se retrouver seul dans sa section, à lire un livre sur une contrée quelconque ou un peuple qu’il ne connaissait pas.

Seth, il savait que les gens les plus terribles n'en avaient parfois pas l'apparence. Dans les livres qu'il avait lu (Dieu sait qu'il en avait beaucoup lu), il avait appris de ne jamais se fier à l'apparence. Certaines personnes étaient très effrayantes d'apparence, mais très douces dans le fond. Et puis parfois, il y en avait d'autres, qui avaient l'air frêles et fragiles, mais étaient plus redoutables que n'importe qui... Surtout sans pitié. Le géant maladroit qu'était Seth était, contrairement à ce que son apparence pouvait dire, sensible et fragile comme un petit enfant. Il essayait de se défendre, mais ne réussissait pas forcément à assurer ses arrières. C'était qu'il apprenait tout ça sur le tard, alors c'était un peu compliqué... Mais l'anglo-coréen, il faisait de son mieux. Il avait de la volonté, au fond, il s'améliorait tout doucement, il était en retard, mais il croyait qu'un jour, il serait aussi fort comme les héros de livres... En commençant par ne plus avoir peur de son voisin, et vraiment l'affronter sans avoir envie de pleurer et se mettre en boule dans un coin à chaque fois. Ce serait un début, il fallait y aller doucement.
Dans tous les cas, ce petit brun face à lui ne s'était pas révélé être un assassin croisé avec un ninja reptilien à l'esthétique kawaii sortit d'un manga ou d'un anime, mais bien d'une personne qui avait au moins le mérite de pardonner, et de ne pas l'assassiner pour un téléphone abimé. Il était presque reconnaissant, ce Seth, mais il n'allait pas non plus lui sauter dans les bras pour l'avoir épargné. Alors il s'était excusé en bonnes et dues formes, cherchant ensuite à sociabiliser, avec l'espoir de trouver un potentiel ami. Pourquoi pas après tout ? Toujours un peu nerveux, il observa son interlocuteur répondre à nouveau, attrapant le cahier qu'on lui rendait pour lire sa réponse. Il avait enfin un nom... Puis le domaine d'étude de cette personne. De l'Histoire ? Il devait avoir pleins de choses intéressantes à raconter alors ! Il se renfrogna un peu au sujet des examens, songeant au boucan que faisait Aam Bao quand il était sensé réviser, l'empêchant de travailler comme il le voulait. L'isolation sonore n'était pas terrible, et il entendait souvent son voisin... faire des choses. Parfois il ne savait pas quoi, et il ne préférait jamais savoir si ça concernait le cas social à côté de chez lui. Il songea toutefois à la suite, relevant donc que cet autre étudiant traînait souvent à la bibliothèque... ce qui les amènerait à souvent se croiser, donc.
Il repris donc le stylo pour répondre à ce qu'il espérait un jour être un futur ami (optimiste ? Peut-être un peu beaucoup), avant de lui tendre à nouveau le cahier.

''Oh, tu es en quelle année ? Tu t'y plaît ? Sinon, le poulet grillé de Da Hui est le meilleur, promis, si je t'y emmènes un jour tu ne regretteras pas ! On est aussi en examen, mais je révise beaucoup à la bibliothèque. J'ai un voisin... bruyant. Donc je ne peux pas beaucoup travailler chez moi. C'est un cas social, son appartement a la même odeur qu'un local poubelle croisé avec un vestiaire de sportifs, il menace de manger des gens, et en plus, une fois il a cassé un balai en deux comme s'il en mousse avant de jeter les deux bouts par la fenêtre ! J'espère que tu as des voisins gentils toi. Ils sont gentils tes voisins ? Et oui, je viens souvent à la bibliothèque, il y a pleins de livres trop biens. Tu aimes les livres ?''

Il lui rendit à nouveau le cahier, avec cet air plein d'espoir de trouver quelqu'un qui ne le trouverait pas trop bizarre ou effrayant. Mais de la même manière, parler du voisin dès la première discussion avec quelqu'un... C'était une mauvaise idée, n'est ce pas ? Le Seth, il pensait surtout à ses deux dernières phrases, aux livres, à tous les romans qui l'appelaient entre deux revues scientifiques, l'invitant à pêcher et céder à l'appel d'une aventure plutôt qu'aux révisions. De toute façon, il songeait qu'avec l'avance qu'il avait, ce n'était pas si grave s'il lisait des choses hors-sujet de temps en temps, non ?

Ah, si son interlocuteur savait… Ha-Neul savait être du genre agressif et à confronter les gens la majorité du temps. Il fallait croire que Seth était tombé sur ses bons jours cependant, puisqu’il semblait avoir bien vécu le mal fait à son téléphone. Après tout, il avait bien pensé à lui jeter une facture de réparations par la tête, le menacer de payer ou de remplacer le pauvre produit technologique, voir même le forcer à échanger leurs appareils, mais au final il avait écouté sa rationalité et accepter de jouer les gentils. L’étudiant en astronomie n’était pas le seul qui avait visiblement besoin de plus d’amis; lui-même bénéficierait probablement d’avoir une nouvelle personne dans son entourage. Il pouvait probablement compté les gens cher à son coeur sur les doigts d’une seule main. Bien sûr, la quantité ne valait pas la qualité. Mais quand on a qu'une ou deux personnes seulement sur qui on peut compter, partager ses problèmes et demander des conseils, les options deviennent souvent limités. La solitude n’avait jamais été un problème à ses yeux, il avait tout de même Seul Bi avec qui il passait une bonne partie de son temps. Mais la variété laissait à désirer.

Faire copain-copain avec ce garçon était donc une perspective intéressante. Quelque chose lui disait qu’ils s’entendraient probablement très bien, tous les deux. Et en lisant la réponse qu’il lui avait écrit, un nouveau sourire se forma sur le visage du jeune étudiant en histoire. Il avait vraiment cette façon adorable d’exprimer ses pensées, et Ha-Neul se demandait bien si, lorsqu’il parlait à voix haute, Seth avait les mêmes manières. Il semblait enfantin, innocent, posant des questions sur tout et rien et écrivant visiblement la première chose qui lui passait par la tête, alors que lui-même trouvait parfois qu’il faisait trop sérieux par moment. Et les histoires sur le voisin, bien que inattendues, semblaient amusé le jeune homme. Le pauvre. Cette histoire devait bien le déranger pour en parler ainsi à un -presque - parfait inconnu. Il se considérait chanceux; lui n’avait jamais eu de problème avec ses voisins, au contraire. Il avait la chance de vivre près de gens très amicaux que lui-même appréciait grandement.



Il repousse le cahier vers l’autre, satisfait, le regardant. Il n’avait pas encore cette habitude d’entretenir des conversations ainsi. Il avait l’impression qu’il n’avait pas rencontré quelqu’un de nouveau depuis longtemps, trop enfermé qu’il était dans ses études, son boulot, mais aussi ce poste de bénévole. Il n’avait plus le temps de rien, plus le temps de profiter de ce genre de rencontre et de la sociabilité. L’air de rien, ces échanges sur papiers au fin fond de la bibliothèque lui faisant le plus grand bien, le distrayant de ces choses qui prenait chaque minutes de sa vie depuis presque un an.

Quelques part, l'étudiant en astronomie comptait sur sa chance pour continuer. Il avait encore du mal à croire que l'autre jeune homme ne l'ait pas traîné pour lui racheter un téléphone. Il s'était imaginé endetté jusqu'au coup, à manger des cailloux et des feuilles. Aurait il subsisté ainsi ? Il n'en savait rien. Il aurait essayé, ce qui était un début... L'idéal aurait été de ne rien avoir à payer. L'idéal était arrivé. Avait on entendu ses prières ? Il n'en savait rien. Mais si possible, maintenant il souhaitait un ami. Un ami qui aimait les livres, comme Ha Neul. Il voulait être ami avec Ha Neul, parce qu'il ne semblait pas avoir peur, et il ne l'avait pas grondé. Le peroxydé n'aimait pas les gens qui criaient tout le temps.
Naïvement, Seth s'imaginait déjà avoir un autre ami, avec qui parler de pleins de livres, de dragons, de fantastique, de tous les contes qu'il aimait lire... peut-être aussi de son enquête ? Même s'il n'était pas certain de passer pour quelqu'un aux idées très claires s'il prétendait être la voisin de la Baba Yaga. Y avait il seulement quelqu'un pour le croire ? Même Eleanor trouvait cela ridicule... Il se sentait un peu seul dans son affaire, alors que plus son enquête avançait, plus il était persuadé qu'un phénomène paranormal se déroulait vraiment. Comment des personnes pouvaient sembler débarquer de nul part, en prétendant être des personnages de contes, et en ignorant souvent autant de ce monde ? Mais que se passait il alors ? Apparaissaient ils seulement pas magie ? Il n'en savait rien encore, mais ces questions l'obsédaient un peu trop.
Tiré de ses songes autour d'événements paranormaux par la réponse de l'étudiant en histoire, il rattrapa son cahier pour lire sa réponse. Il était en deuxième année ? Oh, il devait être plus jeune que lui dans ce cas... peut-être ? Il était vrai que Ha Neul avait un air juvénile, mais Seth ne s'y était pas fié. Après tout, il avait lu plusieurs fois dans ses lectures qu'il ne fallait jamais juger un livre à sa couverture ! Mais il se demandait si son nouvel ami aurait donc des histoires à lui raconter, curieux d'entendre quelques anecdotes. Mais le sujet en était revenu aux voisins, et l'anglo-coréen s'était sentit bien embêter. Comment expliquer l'étendu du problème ? Son interlocuteur ne voyait certainement pas l’entièreté de la situation, et surtout pas qui était Aam Bao. En même temps, sans le rencontrer, peut-être qu'on sous-estimait souvent ses capacités à être un cas social. Après tout, il l'avait menacé de le manger... Quelques part, l'étudiant se sentait tenté de demander à se planquer chez Ha Neul, mais il craignait qu'il n'y ait pas de place (ou qu'on ne le laisse pas entrer, parce qu'en plus il serait incapable de dormir sans au moins une de ses peluches). Mais après tout, la situation lui allait, puisque le jeune homme face à lui avait avoué adorer les livres, ce qui était à coup sûr un moyen de créer une profonde sympathie avec l'anglo-coréen. On adoptait facilement un rat de bibliothèque avec des livres.
Il s'était donc empressé de réécrire :

"Ca doit être trop bien ! Pour mon voisin, les proprio doivent avoir trop peur. Il fait vraiment très peur ! Et déménager ça coûte cher, je n'ai pas les moyens. Enfin, tu sais, la vie étudiante... Sinon, je suis ravi d'entendre que tu aimes les livres ! Il y a en effet beaucoup de livres sur l'astronomie ici, mais il y a surtout pleins de fictions ! J'adore le fantastique, et la fantasy ! Je lis aussi beaucoup de romances et de contes ! Tu aimes les contes ? Je pourrais passer ma vie entouré de livres, ce serait merveilleux ! Il y a tellement de choses à découvrir ! Tu aimes lire quoi toi ?"

Il tendit à nouveau le cahier à son interlocuteur, à nouveau les yeux brillants d'espoir. Les choses allaient dans une bonne direction, pourquoi est-ce que ça irait mal désormais ? Il avait bien envie de lui parler de plusieurs de ses ouvrages préférés, mais ce serait peut-être un peu long. Ayant passé la majeure partie de sa vie seul et enfermé, Seth avait eu le temps de lire un large panel d'histoires, et il était ainsi aisé d'en trouver beaucoup qui l'avaient marquées.