Hunting the devil ~ Aam Bao

Des mois et des mois d'enquête, pour en arriver là. C'était malgré lui que Seth avait fini attiré dans cette histoire de gens venus d'un autre monde. Sa curiosité l'avait attiré dans une histoire dans laquelle il n'aurait pas dû mettre les pieds. Enfin, il s'était longtemps dit que les histoires paranormales, ça ne serait jamais pire que le voisin. Il lui arrivait parfois de lever le nez de ses notes en astrophysique, juste pour soudainement entre quelques bruits obscènes venant de la maison voisine. Il se demandait encore ce que n'avait pas fait cet étrange individu, qui semblait plus tenir de la bête que de l'humain. Cet animal avait déjà fini plusieurs fois dans des bagarres au bout de l'immeuble, il ne savait décidément pas se garer, il était bruyant, son appartement puait déjà avec la porte d'entrée fermée, et évidemment, il fallait qu'il ramène à chaque fois des personnes différentes pour faire un concert expérimental quasiment tous les soirs, au plus grand damne de l'étudiant qui ne comprenait toujours pas comment il était encore en vie et sain d'esprit après tout ça. Le Byun avait bien eu des centaines d'occasions de perdre la tête, et d'autres milliers d'autres de faire une burn-out à force de travailler et ne pas pouvoir dormir. Certains soirs, quand bien même Seth avait un comportement plutôt doux, il en venait tout de même à rêver de pousser son voisin du haut d'un immeuble et y trouvait une satisfaction coupable.
Il y avait bien eu des gens où il avait été consulter son compte en banque, se demandant où il pourrait bien trouver un autre logement, mais il fallait bien croire que son statut d'étudiant fauché ne lui octroyait pas mille possibilités. Il s'était donc résigné à rester là où il était, songeant parfois, et quelle idée folle !, à pacifier le cas social dans l’appartement à côté.
Jusque là, il n'avait eu pour son voisin qu'un mélange de crainte, d'agacement, mais aussi une certaine curiosité. Il ne l'aimait clairement pas, il n'y avait qu'à noter les envies de meurtres qui le prenaient régulièrement, mais ce type était tellement étrange et excessif qu'il se demandait bien comment il pouvait encore être en liberté. Comment se faisait il qu'il puisse se balader tranquillement sans craindre de finir enfermé ?
Il était vrai aussi que jusque là, Seth avait songé qu'une descente de la police se ferait bien dans les temps à venir pour mettre le fameux voisin sous les barreaux. Mais il n'en était rien, et c'était devenu une habitude pour le décoloré de se demander qu'est ce qu'allait encore fabriquer le cas social ambulant de l'immeuble chaque soir en revenant des cours.
Et jusque là, dans cette petite quête annexe, qu'était celle de trouver des gens qui se prétendraient issus de contes, il avait fouiné partout... Oui, partout, il était allé enquêter, interroger quelques allumés du coin, mais il ne s'était jamais vraiment intéressé au cas de son insupportable voisin... jusqu'à tiquer en voyant le nom sur la boîte aux lettres, se demandant diable pourquoi cela lui faisait penser à la Baba Yaga.
C'est ainsi qu'il s'était retrouvé à carrément suivre et espionner le type qu'il avait rêvé pousser du haut d'un étage, tachant de se faire discret, posant des questions aux quelques autres voisins, comparant le type et la sorcière mythique. Jusque là, il était vrai que Aam Bao n'avait pas semblé se mettre au cannibalisme (encore heureux ! Sinon, argent ou pas, Seth aurait déménagé loin de là ! C'était bien trop de risques à prendre !).
Diverses théories avaient fleuries dans son esprit, et des feuilles avaient fini par joncher le sol de son appartement, chacune contenant ses observations. Mais peu importe tout cela, s'il n'avait pas ce qu'il cherchait avant tout, c'est à dire quelqu'un qui viendrait d'un autre monde, aucune de ses théories ne pourrait être validée. Et si son voisin pouvait servir à autre chose qu'à développer des envies de violence, il n'allait pas refuser.

Le grand soir était arrivé. Enfin, c'était du moins le soir que c'était fixé en deadline l'étudiant pour enfin oser frapper à la porte d'Aam Bao pour lui extorquer des réponses. Sa curiosité ayant surpassé sa timidité, il se sentait moins embêté pour aller confronter le voisin... Enfin, celui-ci était quand même vaguement flippant, alors l'étudiant avait passé une heure à parler à sa collection de peluches ours pour se donner du courage, et lui donner de la force... A défaut d'avoir des amis humains, il avait des peluches, ce qui était un début. Il regrettait juste que ces ours au doux pelage ne puissent pas l'aider s'il finissait en lardons pour des pâtes à la béchamel. Mais comme le disaient les notes d'observation, Aam Bao n'était (théoriquement) pas cannibale comme la Baba Yaga... Ce qui était tout de même un détail allant bien à l'encontre de ce que savait le peroxydé de la sorcière. Mais toutes les histoires de bêtes et de gosses déjà, ça avait de quoi intriguer...
Engoncé dans son sweat, tachant de chasser les moindres signes de peur, Seth s'était posté devant la porte de sa cible. Il avait froncé les sourcils en sentant l'odeur semblant venir l'intérieur, pleurnichant déjà au fond de lui en sachant qu'une fois la porte ouverte, il risquait de découvrir des senteurs qui lui étaient jusque là inconnues. Comment ce type pouvait il seulement survivre dans ce taudis ?
L'étudiant était à deux doigts de lui imposer de faire le ménage pour lui. Mais honnêtement, ce serait sûrement trop de travail, et il doutait qu'on le remercie d'une quelconque manière. Et bien qu'il soit gentil, il n'était pas non plus le genre d'imbécile à faire des corvées pour des gens qui ne seraient probablement même pas reconnaissants.
Prenant son courage à deux mains, inspirant, puis expirant à fond, il frappa finalement à la porte, récitant son texte dans sa tête. Enfin, il avait pas mal été troublé par l'ouverture de la porte de l'antre des Enfers, avec, comme il l'avait prévu, une odeur qu'il n'aurait su décrire, sinon qu'il avait envie de pleurer tellement il était triste que quelqu'un vive dans un lieu aussi pestilentiel.

- B-Bonsoir, excuse-moi de te déranger, je.., commença l'étudiant, pris au dépourvu.

Eh bien quoi ? Il fallait croire que l'odeur l'avait bouleversé. Puis la tronche du voisin aussi, parce qu'il se sentait un peu coupable quand même de rêver de l'assassiner. Et aussi un peu parce que jusque là, les seules fois où il s'était approché, c'était pour le stalker en restant caché dans le décor.
Il se racla la gorge, décidant d'en venir aux faits sans plus de cérémonie, lançant tel un détective désignant un criminel :

- Tu es démasqué Byaeyang Aam Bao !

De qui ? De quoi ? Comment ? Il préférait qu'il lui laisse entendre de nouveaux indices plutôt que lui demander de but en blanc s'il était... Quoi que... Cela faisait un certain temps que Seth enquêtait, et il ne tenait plus en place. Il avait besoin de réponses dans l'instant.

- Tu es Baba Yaga, n'est ce pas ?

Il mourrait d'envie d'étaler absolument toutes les observations l'ayant mené à cette conclusion, et de lui parler plus amplement de ce qu'il avait entendu sur cette affaire d'autre dimension, mais il s'était retenu très fort. Tout ce qu'il avait fait, c'était tirer un livre de conte sur la sorcière cannibale des poches trop grandes de son sweat avec un air plein d'espoir. Au pire, il allait juste passer pour un imbécile... Cela changerait au moins de la brute...

Au fond, en voyant son voisin en face, Seth se demandait surtout s'il serait capable de le pousser d'un étage pour qu'il s'écrase comme une crêpe sur le sol. Un peu parce qu'au final, il se sentirait trop mal de le faire... Aussi parce qu'en fait, il doutait d'avoir assez de force. Il avait fait de la musculation, pas des entraînements à des sports de combats. Et à quel moment il aurait donc une chance contre un mec qui fini parfois dans des bagarres... et gagne ? Il allait finir en chair à pâté. Ou dans des pâtes béchamel. Il n'était pas trop sûr de l'issue, si ce n'est qu'il ne voulait pas terminer dans une assiette maintenant. Alors il se rassurait en se disant que d'après ses observations, son voisin ne consommait pas de viande humaine. Et puis, sinon, il l'aurait remarqué, à force de stalker ! De toute manière, Seth n'était pas certain d'être comestible. Il espérait du moins que tous les médicaments qu'il avait avalé jusqu'à quasi sa majorité avaient laissé quelques toxines dans son organisme, ou quelques chose qui le rendrait immangeable. Au pire, il pourrait toujours dire qu'il manipulait des trucs toxiques, ça augmentait les chances d'être non-commestible. Son voisin ne devait pas savoir ce qu'il étudiait, il ne capterait pas le mensonge.
L'étudiant pencha la tête de côté, confus en voyant son voisin allumer une cigarette avec un de ses sourires de requin qui donnait l'impression qu'il allait faire un sale coup dans la minute qui suivait. C'était mauvais signe ? Le décoloré n'en était pas certain. Quelque chose au fond de ses tripes lui disait de déguerpir maintenant, mais s'il s'en allait, il ne saurait pas, et surtout, rien ne disait qu'on allait pas le suivre. L'étudiant avait crû comprendre que le cas social en face de lui avait un petit quelque chose pour le fait d'effrayer les autres.
Enfin, il aurait peut-être vraiment dû détaler, mais au moment où il l'avait compris, il était enfermé dans l'appartement de son voisin. Celui-ci l'avait tiré un peu trop violemment à l'intérieur, le jetant un peu comme s'il n'avait fait qu'1m50 et trente kilos de moins que ce qu'il faisait. Est-ce que c'était vexant ? Oui, l'ego de Seth l'avait mal vécu. Là, il avait envie de pleurer en sanglotant des "Mais pourquoi t'arrive à faire ça comme si j'étais un chaton ? C'est pas possible normalement, t'avais pas le droit ! T'es méchant, je te déteste". Mais s'il le faisait, il savait que ça n'allait que faire plaisir à son étrange voisin. Et puis, lui il voulait ses réponses, alors il s'était redressé, tentant de pas montrer que la pénombre tout autour le faisant un peu flipper. Pas qu'il avait peur du noir, mais avec la fumée tout autour, il avait juste l'impression de se retrouver face à un démon à l'aura tellement puissante et démoniaque qu'elle deviendrait visible pour de simples humains. Ce ne serait pas forcément étonnant, pour ce que l'étudiant pensait être la réincarnation de Baba Yaga, mais il ne le trouvait à cet instant pas fort sympathique... L'avait il seulement trouvé sympathique une fois ?
En tout cas, il se retrouva piqué au vif quand son voisin prit finalement la parole juste pour lui dire qu'il était trop grand pour croire aux contes. Susceptible comme il était, le peroxydé avait des centaines d'insultes en tête, mais la peur l'empêchait finalement de faire preuve de trop d'impulsivité. Enfin, surtout quand son voisin l'avait contraint à reculer jusqu'à être collé à la fenêtre. En croisant le regard d'Aam Bao, il commença à sérieusement se douter de ses observations. Peut-être qu'il était vraiment cannibale. Dans ce cas, ça confirmerait qu'il était Baba Yaga, non..? Enfin, ça signerait aussi probablement la fin de Seth.
Voilà que son interlocuteur commençait à se montrer encore plus menaçant. Un peu trop d'ailleurs. Seth avait juste envie de pleurer, et de retourner s'enfermer dans sa chambre pour se planquer sous ses draps avec son ours en peluche préféré. Il n'aimait pas du tout ça. Son voisin était trop près, et lui, il s'imaginait déjà trop bien sous forme de lardons dans une assiettes de pâtes. Il fronça à sa nouvelle menace, encore touché dans sa susceptibilité, et se souvenant que s'il se laissait trop impressionner, ça ne ferait pas avancer son enquête. Et de la même manière, il craignait que cela encourage son voisin à venir lui faire peur.
Le décoloré avait seulement sourit avec un air un peu gêné, avant de se laisser glisser contre la surface dans son dos pour ensuite se décaler sur le côté, cherchant du regard un truc pour se protéger. Mais quoi ? Son regard avait seulement accroché une plante verte, et il s'était demandé s'il pourrait soulever une plante comme ça pour menacer de la lancer sur son voisin... Si ce n'est qu'il craignait que la plante en question (qui avait l'air en train de vivre ses derniers instants), soit trop lourdes. Mais dans le feu de l'action, il n'avait pas eu trop le choix, attrapant le pot à bout de bras avant de lancer :

- Approche pas, ou je te lance ça dessus !

La vérité, c'était qu'il titubait déjà, le pot se révélant en effet plus lourd que prévu. Il ne pensait donc pas pouvoir le lever pour le jeter, mais bon, ça faisait au moins un bouclier (?) contre son adversaire (?). S'il était vraiment face à Baba Yaga, il préférait rester loin. Peut-être que jusque là, il n'avait pas noté ses tendances au cannibalisme parce qu'il n'avait pas observé assez bien, et assez longtemps. Peut-être que là, maintenant, son voisin ambitionnait vraiment de le mettre au frais pour avoir des rations pour l'hiver. Cette image lui avait attirée des frissons, tandis qu'il piaillait, vexé :

- Tout à l'heure tu t'es bien moqué de moi, mais au cas où, je fais 1m81, donc arrête de faire comme si je faisais trente centimètres de moins ! Et toute façon, sinon, je t'attache à un poteau en bas de l'immeuble, ça t'apprendra à te moquer, et tu seras obligé de répondre à mes questions !

Il gonfla les joues, persistant dans son attitude puérile. Une attitude qui ne collait pas forcément avec son air habituellement sévère ou blasé, sa voix grave et sa taille. Enfin, c'était un comportement normal pour Seth, seuls les autres en étaient perturbés. Il s'était engouffré un peu plus dans la pièce, se servant de la plante toujours comme un bouclier, grimpant sur le canapé de son voisin pour prendre de la hauteur et gagner en possibilité d'au moins l’assommer en lui lançant le pot dessus. Comment procéder ? Il voulait une réponse plus que jouer le jeu de cette brute... Même s'il mourrait d'envie d'aussi lui tirer les oreilles pour tout le raffut qu'il faisait certains soirs. Il allait lui apprendre les bonnes manières, à ce cas social ! Enfin, après avoir eu ses réponses... et regardé son épisode de Pokémon chez lui. Il n'avait pas que ça à faire non plus... Et puis, l'appartement sombre et un brin malodorant de son voisin l'inquiétait, il avait hâte d'en sortir, ses peluches lui manquaient.

- ...Comment tu serais arrivé ici si tu es Baba Yaga ? Pourquoi tu restes là ? Et pourquoi tu serais un homme de cet âge ? La Baba Yaga est sensée être une vieille sorcière ! Et te moque pas, tu es trop bizarre pour être un humain normal, c'est louche ! bougonna Seth, debout sur le canapé, serrant la plante verte d'Aam Bao contre lui, tout en fixant la silhouette du propriétaire sans la pénombre pour être sûr qu'il n'allait pas soudainement s'approcher s'il le quittait des yeux.

La seule impression que Seth avait, c'était que son voisin se moquait ouvertement de lui. Même maintenant qu'il était "armé", il ne le prenait définitivement pas au sérieux. Pour une des premières fois de sa vie, Seth avait juste l'impression d'être petit, tout petit. Il avait toujours été celui à un peu effrayer les autres (malgré lui), pas le contraire. Et maintenant, il se retrouvait prêt à fondre en larmes à cause de son voisin. Pourquoi est-ce qu'il était aussi méchant ? Il ne pouvait pas au moins faire semblant ?
Et puis, à cause de cette maudite plante, c'était compliqué de surveiller Aam Bao. De la même manière, à force de la porter à bout de bras comme ça, il commençait à fatiguer. Mais s'il se démontait maintenant, il ne s'en sortirait pas indemne. Il devait avoir ses réponses, et sortir d'ici vivant, de préférence.
L'anglo-coréen fronça les sourcils en entendant son voisin marmonner dans une langue inconnue. Est-ce que c'était une langue magique ? Il avait tendu l'oreille, pleins d'espoirs, et pas forcément prêt à entendre que cela pouvait bien être la langue d'un quelconque pays de cette dimension. Il était beaucoup trop intrigué par les sonorités, elles ne semblaient pas pouvoir être prononçables par n'importe qui.
Après sa menace et ses questions, Seth regarda avec une certaine méfiance son voisin enfin se débarrasser de sa cigarette dans un cendrier aux environs. Qu'est ce qu'il manigançait ? Quelque chose lui disait qu'il ne voulait pas savoir. Il avait littéralement glapit comme un animal effrayé quand Aam Bao avait balayé la plante, et envoyé celle-ci s'écraser. Sensible comme il était, le coeur de l'étudiant s'était brisé en même temps que le pot, pleurant le pauvre végétal crevant au sol, avec les morceaux brisés du pot tout autour. Il aura bien vécu..? Mais bon, pour ce qui était des vrais larmes, l'anglo-coréen n'avait pas eu le temps d'en verser, bien trop tétanisé à l'idée de voir son ennemi (?) à nouveau face à lui, et sans rien pour s'en protéger.
Le peroxydé plissa les yeux en entendant son voisin marmonner. Quoi, il pensait qu'il n'était pas capable de l'attacher à un poteau et de l'abandonner là ? Il allait voir ce qu'il allait voir... Il allait lui prouver qu'il n'était pas une petite nature et que... Il passa par absolument toutes les phases de l'incompréhension, de la partielle à la totale en voyant Aam Bao lui tendre les poignets, et lui demander de l'attacher et de le... satisfaire ? Quoi, il avait des tendances masochistes aussi ? Ce n'était pas si étonnant, mais il allait vite être déçu... Être attaché à un poteau et abandonné jusqu'à ce que quelqu'un vienne, c'était peu excitant... Enfin, normalement ?
L'étudiant ne pu que se poser plus de questions quand son étrange voisin lui parla de "terrain de jeu le plus intéressant" et lui demanda s'il le croyait vraiment être un homme. A ces mots, le plus jeune avait froncé les sourcils, le questionnant tout naturellement :

- Tu n'es pas un homme ? Tu es toujours une femme ?

C'était plus logique ainsi, la Baba Yaga était une femme, donc si Aam Bao disait qu'il était une femme, alors ça collait, non ? Même si jusque là, tout le monde l'avait toujours appelé "monsieur". Alors qu'est ce qu'il racontait donc ? Il se moquait encore de lui ? Visiblement oui, à en croire son histoire de compter les crocs sur son ventre. Des crocs sur son ventre ? Seth roula des yeux. S'il en avait vraiment, il n'aurait pas pu se faire beaucoup de plans culs... Il se fichait de lui, c'était presque certain.
Seth était redescendu du canapé, regardant le voisin lancer sa cigarette par la fenêtre. Rien qu'à la vue, l'étudiant s'était sentit irrité. Il n'avait vraiment aucun respect, aucune règle, aucune limite ? Et en plus de ça, il ne prenait personne au sérieux ?! Il attrapa les cravates qu'on lui lançait sans comprendre, roulant à nouveau des yeux en entendant la provocation de son voisin.

- Tout compte fait, te pendre c'est peut-être mieux à ce stade, maugréa l'étudiant.

Comme ça, il pourrait réviser en paix le soir, et profiter d'un voisinage paisible. Mais s'il pendait son voisin, il risquait de finir en prison... Et puis, il n'aurait pas ses réponses. De la même manière, Aam Bao lui filait la frousse, juste en le regardant il avait vraiment l'impression qu'il allait finir dans son congélateur avant l'aube. Comment lui extorquer des réponses sans jongler entre l'envie de pleurer comme un bébé et de faire un assassinat ?
Seth regarda autour de lui, cherchant quelque chose à faire. Il fallait ces réponses, ces maudites réponses... Il n'était pas venu ici pour rien, et certainement pas uniquement pour friser des crises cardiaques à cause de l'autre cas social !
Prenant son courage à deux mains, il s'approcha de son voisin, lui demanda avec sérieux :

- Allez, redonne tes poignets.

Et il n'avait pas vraiment attendu que son voisin les lui donne pour les chopper et les attacher entre eux. C'était relativement satisfaisant d'ainsi menotter le voisin, même si, par la même occasion, il commençait à devenir tentant d'aussi lui attacher les chevilles, d'ouvrir la fenêtre, et de l'y pousser jusqu'à ce qu'il tombe à la renverse et s'écrase en bas... Quoi, c'était trop violent ? Non, ce qui était surtout bizarre, c'était que l'autre cas social le laisse faire. Pourquoi est-ce qu'il l'avait presque demandé un peu plus tôt ?
Seth avait ensuite reculé, fier de son travail. Déjà, il avait l'air plus sage, et moins terrifiant. Quoi que... C'était pas forcément ce que sa tronche disait. Alors, par mesure de prudence, le peroxydé s'était encore éloigné, visitant un peu la partie cuisine de l'appartement de son voisin. En voyant les couverts débordant de l'évier, il avait soupiré, s'agaçant comme si la situation n'était déjà pas assez bizarre en disant :

- Et donc, Baba Yaga ne sait pas faire la vaisselle ? Tu manges dans des assiettes en carton que tu jettes par la fenêtre du coup ? Tu sais quoi, finalement, je pense que c'est mieux d'aller te faire chercher un balai pour que tu balayes ton appartement... Ca serait la honte que la Baba Yaga ne sache même pas utiliser un balai.

Alors, sans gêne, le décoloré avait fouillé les environs pour déterrer un balai et le mettre dans les mains encore liées de son voisin. Qu'est ce qu'il fabriquait ? Il ne savait pas trop. Il voulait lui faire cracher la vérité, alors pourquoi ne pas s'attaquer à son ego ? Avec un peu de chance, ça allait marcher... sinon, cinq minutes après, si on ne le laissait pas sortir, il allait se planquer sous le canapé d'Aam Bao pour pleurer avec la plante crevée... Ou pas ?
Le décoloré s'impatientait, il ne voulait pas avoir espionné pour des prunes. Et surtout pas avoir dû rentrer en contact avec ce psychopathe sans avoir son dû !

- En attendant, tu n'as pas dit si tu étais la Baba Yaga, mais dans tous les cas, tu es une Baba Yaga super nulle ! Tu n'es même pas capable de passer le balai et de faire la vaisselle, n'importe quel humain le fait mieux que toi.

D'où lui venait ce courage ? Il ne savait pas. Mais si son voisin approchait à nouveau, ça n'allait pas durer. Il irait au mieux essayer de le repousser, sinon pleurer. La vérité, c'était qu'il avait déjà peur... et qu'il se retenait aussi de pleurer. Il tremblait déjà comme une feuille morte, tachant de maîtriser sa voix, et de rester éloigné au possible. Il devait être courageux... Juste un peu... Pour le bien de sa mission... Comme ça, peut-être qu'il pourrait aussi convaincre Eleanor que les gens venus d'un autre monde existaient !

Seth était partagé entre l'envie d'assassiner son voisin, de lui extorquer des informations, ou de juste pleurer désormais. Vraiment, il était pire que ce qu'il avait pu imaginer. Aurait il dû envisager le pire ? Probablement. Mais le jeune homme n'était pas très amateur de la Loi de Murphy, et de la même manière, les choses mauvaises ne lui semblaient pas si fréquentes. Enfin, maintenant, il songeait en regardant les morceaux de céramiques au sol qu'il aurait mieux fait de ne jamais frapper à cette porte. Il aurait gagné à rester tranquillement chez lui à lire des articles, réviser, et faire des recherches pour ses études. Mais non, il était allé chercher son voisin. Son voisin, l'homme étant officiellement le plus flippant qu'il ait rencontré dans sa vie. Même le grand méchant loup n'arriverait pas à sa hauteur. Etait-ce une blague ? Un film d'horreur ? Dans tous les cas, il voulait sortir de là après avoir eu ses réponses.
De plus, l'autre cas social semblait presque content qu'il ait évoqué ses envies de meurtre. Comment se sentir après ça ? Bien évidemment, Aam Bao se moquait de lui, mais Seth le vivait un peu mal. Il devrait se méfier ! Il pouvait être terrible lui aussi ! Il... Il allait mettre des meubles devant sa porte pour qu'il ne puisse plus sortir de chez lui ?
Le voisin s'était laissé attacher avec un air amusé. Non, vraiment, ce type était louche. Qu'est ce qu'il avait à avoir l'air d'autant s'éclater ? Vraiment, c'était comme si on lui avait dit qu'il allait avoir une voiture à Noël. Pourtant, on lui avait juste attaché les poignets pour l'abandonner dehors accroché à un poteau. L'idée pouvait vraiment paraître plaisante ?
Décidant de visiter un peu le coin, et surtout de s'éloigner du cas social, Seth était tombé malgré lui face à l'évier d'Aam Bao, ne pouvant s'empêcher de lui faire des remarques, et se demander dans quoi il mangeait. Il roula des yeux en l'entendant déclarer qu'il mangeait avec les mains, soupirant un "Très classe...". C'était un sauvage. Et un psychopathe. Et un sauvage. Comment avait il survécu jusque là avec un tel voisin ? C'était un mystère ? Et comment ce même voisin était encore en vie ? Mystère. Tout le monde devait simplement avoir peur de lui.
Se sentant presque puissant (enfin, se retenant quand même de pleurer) en mettant ce fichu balai dans les mains d'Aam Bao, il s'était presque attendu à ce que ça s'arrange. Pour le moment, il avait le dessus, non ? C'était un bon début ! Ca allait aller ! Courage !
Enfin, ça, c'était jusqu'à entendre le ton grave et menaçant de son voisin qui "reprenait les rênes". L'anglo-coréen fut subitement pris de sueurs froides, tandis que, tel dans un film d'horreur, la Baba Yaga se détachait seule, ne semblant plus ravie de ce qu'il se passait. Au fond de lui, Seth était désormais persuadé qu'il allait y passer, il était paralysé, attendant simplement qu'on l'assassine. Jamais il n'avait pensé à mettre "lardons" dans sa fiche avenir au lycée, probablement parce qu'à l'époque, il n'avait jamais pensé qu'il puisse finir dévoré par une sorcière cannibale. Sorcière qui serait en fait son voisin, ce cas social qui l'empêchait de réviser certains soirs.
En entendant son conte, il avait voulu s'enfuir, reculer, partir en courant, mais ses jambes ne bougeaient pas, ses yeux suivant l'avancée d'Aam Bao jusqu'à ce qu'il soit trop proche pour qu'il ne puisse plus se sentir à quelques centimètres du malaise. Il sursauta quand son voisin brisa sans mal en deux le balai, lui posant une question qui laissa le peroxydé muet comme une carpe. Que répondre ? Rien. Il ne pouvait pas parler.
En sentant le morceau de balai contre sa jambe, et entendant la phrase d'Aam Bao, il avait non seulement frôlé la crise cardiaque, mais aussi éclater en sanglot. C'était trop effrayant, il voulait la plante, la gentille plante par terre. Non, il voulait rentrer chez lui avec ses peluches.

- T-Tu... S-Si tu me manges bah tu vas être malade, pleurnichait il, A-A cause des médicaments, b-bah je suis empoisonné, a-alors p-pas touche.

Il renifla d'une manière tout à fait pathétique. Tous les médicaments qu'il avait pris plus jeune devaient avoir pollué un peu sa chair, non ? Et puis, il en prenait encore, puisqu'on lui avait expliqué qu'il était possible qu'il y ait un rejet de greffe même des années après. Évidement, ça n'avait rien à voir avec son ancien traitement, mais il était persuadé que ça pouvait le rendre empoisonné. Après, quels effets ? Il n'avait qu'à inventer.

- S-Si tu me manges tes poumons vont rapetisser, et tes muscles vont pourrir de l'intérieur. M-Même que tu pourrais faire une crise c-cardiaque, et même Baba Yaga ne survivrait pas à une crise cardiaque, inventa donc l'étudiant entre ses sanglots.

Il voulait ses peluches. Pourquoi il n'y avait pas ses peluches ? Il n'y avait pas non plus de gâteaux ni de chocolat chaud ! Il n'avait même pas encore vu le film de Détective Pikachu ! Il ne pouvait pas mourir maintenant ! Et il n'était pas arrivé au bout de son enquête ! Et il n'était pas astronome ! Comment réagiraient ses parents ? Que penseraient ses frères ?

- T-Tu crains, comme Baba Yaga ! s'exclama le peroxydé d'une voix soudainement plus petite que d'habitude, ramassant la plante encore au sol en disant, E-En plus tu tues même t-tes plantes, t'es méchant.

Il allait le dire à la maîtresse aussi ? Non, évidemment. Et la police n'irait sûrement pas se frotter à un tel cas. Il devait trop effrayer. Seth était fait comme un rat. Enfin, sauf si ses arguments convainquaient la sorcière cannibale...

S'il avait su, il ne serait pas venu. Quoi que la chose aurait dû être prévisible, selon ses recherches, il était évident que si son voisin était la Baba Yaga, il allait finir en ragoût tôt ou tard. Ah ça, Seth il avait joué le héros, le grand aventurier, l'enquêteur, Sherlock Holmes, Indiana Jones auraient fait pâle figure ! Mais maintenant, il se retrouvait à pleurer comme un bébé dans le salon de son voisin potentiellement cannibale, ou qui, en tous cas, avait menacé d'en faire son repas. La détresse n'ayant pas annihilé l’entièreté de son cerveau, l'aventurier en carton avait tenté de créer une histoire, un potentiel mensonge (ou une potentielle vérité), qui pourrait faire en sorte qu'on n'en vienne pas à le dévorer. Finir sa vie aussi tôt ? Pas question !
Mais loin d'être inquiété de la moindre manière, Aam Bao s'était plus moqué de ses menaces qu'autre chose... au point de dire que c'était les médicaments qui l'avaient rendu un brin dérangé. Pour cette histoire d'attacher des gens. Il avait fait un bon en arrière quand son voisin s'était approché pour dire qu'il attachait déjà les gens, glapissant entre ses sanglots "J-Je veux pas savoir comment tu fais tes rôtis". Donc, c'était pour ça qu'Aam Bao avait un truc avec le fait d'attacher les gens ? Parce que ça sonnait l'heure de manger ? C'était comme le mot "à table" ? C'était donc pour ça qu'il avait agit si bizarrement ? Non, ça ne collait pas, c'était trop étrange.
Et l'étudiant avait continué à s'enfoncer, pleurnichant d'une manière tout à fait pitoyable, jetant même d'une manière tout à fait puéril à la Baba Yaga qu'il était "méchant". C'était pourtant évident ! Qui attendrait de ce personnage que ça soit une enfant de choeur ? Personne. Personne sauf Seth qui avait peut-être trop d'espoir pour ce monde, ou qui avait tout simplement pensé à ses réponses avant sa sécurité. Et bon sang, ce qu'il aurait dû avant tout penser à sa sécurité ! S'il finissait en rôti, en ragoût, ou en lardons pour des pâtes à la béchamel, tout cela aurait été vain !
Seth avait glapit en voyant son voisin lancer les deux morceaux de balais par la fenêtre, se dirigeant doucement vers la fenêtre après que la grande menace du coin s'en soit éloignée pour regarder les pauvres morceaux de bois tout en bas. Fort heureusement, c'était tombé sur la tête de personne, mais l'étudiant avait encore du mal à croire que son voisin avait fait ça. Il ne pensait donc pas que c'était dangereux ? Il s'inquiéta ensuite pour la plante, se demandant s'il allait encore jeter le tout par la fenêtre et risquer de tuer quelqu'un, détaillant du regard la pauvre chose mourante en la plaignant pour avoir fini de la sorte.
Il renifla bruyamment en fronçant les sourcils quand Aam Bao se remis à parler. Il se moquait encore ? Il voulait lui dire d'arrêter, mais il était à nouveau trop occupé à renifler et sangloter, vérifiant quand même de loin que la plante ne présentait rien d'anormal. Mais non, la Baba Yaga se fichait bien de lui, elle n'avait rien, sa plante ! Il fronça encore plus les sourcils quand son voisin se remit à parler, croisant les bras comme pour se protéger. Ah, donc tant qu'il était habillé, il était sauf !

- Arrête de te moquer, protesta l'étudiant en astronomie, toujours en reniflant, P-Puis toute façon je finirai pas en ragoût, surtout pas dans un de tes ragoûts. Et ta plante elle est déjà morte, c'est plus possible de la sauver, regarde la...

Il désigna les feuilles rares et rabougris de la plante. Il renifla encore, se frottant les yeux avant de ranger ses mains dans ses poches. Il voulait rentrer maintenant, ça avait assez suffit. Et puis, il ne supportait simplement pas le fait de rester dans la pièce de quelqu'un qui allait en plus fumer. Alors il s'était approché de la porte, prêt à sortir, déclarant avec son peu d'assurance :

- T'es trop nul, mais t'as forcément des réponses à mes questions. Je reviendrai pour t'interroger, et tu devras répondre, voilà !

En regardant, il aperçut la clé sur la poignée. Quelle chance ! Il avait juste à tout de suivre actionner la serrure, et partir. Il ne jeta donc pas un regard à son voisin, et sortit, claquant littéralement la porte de son voisin pour retourner se terrer chez lui.