byaeyang aam bao || Baba Yaga

On raconte des histoires aux gamins qui veulent faire le mur la nuit des fois qu'ils me croiseraient. Avec le temps, j'me contente plus de ma chaumière au fond de la forêt, c'est l'ancien temps. Pote à Boogeyman, au croquemitaine, sœur de cœur des vilaines fées et autres ineptes sorcières avec qui j'ai fait les pires excès, nous sommes le coté sombre d'un monde. Là où certains vivent dans les paillettes, les poneys blancs et les princes charmants, d'autres rampent à l'orée, sous vos fenêtres. Baba Yaga. Il résonne, le glas du chaudron, que les petits pleurent une fois dans la forêt, pire que le méchant loup que j'aimerais capturer un jour pour voir ce qu'il en est vraiment. En civet, c'est goutu le clébard qui sait, L'expression « passer à la casserole » n'a jamais été plus réel. ; Wonderland,. Un bouleau lacérant de ses branches-fouet les étrangers curieux, un chat qui leur crevait les yeux, des chiens qui leur dévoraient tout ce qui dépassaient faute que je les nourrisse. Une bonniche qui ne servait à rien à par me gonfler avec ses chouinements.  Des bœufs capables de boire une rivière. Et une sœur qui me livrait des proies faciles à traumatiser en échange d'une vie sauve. Ogresse putride que je fusse, mal foutue, mal embouchée dans d'autres vies. Ogre aujourd'hui, que les règles ont changé avec les nouvelles peaux. Une, deux, trois la tienne peut-être un jour, mais aujourd'hui, j'ai l'option gueule amochée et les bras veinés, le jackpot qui va avec la réputation. Pourtant c'était pas gagné à la naissance, on allait encore me refourguer des gênes foireux et de l'arthrose. Ou de l’épilepsie. Ou de l'anorexie et la phobie des petites culottes tant qu'on y est. Mais je n'eus rien de tout ça. J'aurais du me méfier.  Tout a un prix. J'ai pris la tangente, me laissant encore plus dépasser par ma folie, mon avidité  et cette gosse. Je l'assume.  La famille ? Une mère qui n'a pas vécu vieille. J'ai du l'épuiser avant l'âge. Trouillarde. J'avais des travers qui ne laissaient prédire rien de bon peut-être. Ça ne faisait plus aucun doute sur « ce que »/ « qui » j'étais. Qu'est-ce que le bon ? Ce qui fait du bien ? Ce qui nous rend heureux ? Ce qui nous fait nous sentir vivant ? Je suis sacrément bon alors .

« Plus c'est jeune et innocent plus c'est tendre à avaler ». Une phrase en rêve que je n'ai jamais oublié et que je me suis attelé à prouver, mais contrairement à certaines réminiscences du passé, je les préfère à maturité. A quoi pensez-vous. Vous avez l'esprit tordu, je ne suis pas ce genre. Ah bon ? Qui sait ? Vas-tu passer ta vie à regretter de ne pas être aller voir dans l'antre de Baba Yaga ? Voir si je suis ce qu'on prétend ? Pire ou meilleur ? La curiosité de savoir si tu auras peur, si tu vas en sortir traumatisé, ou si au contraire t'en redemanderas ? Et c'est pas la peine de me refiler ton p'tit frêre en douce, j'ai arrêté le cannibalisme. Ça donne des gaz. Tout ce que tu verras si tu me cherches un peu trop, sera ce sourire que tu voudras oublier sous ces mèches sombres et toutes mes pensées à ton sujet pour te faire peur et me fuir, pour que je puisse mieux te suivre. J'aime jouer. Veux-tu jouer ? Es-tu à la hauteur ?

Une seule gamine à réussi à me la faire à l'envers. Elle a asservi mon valet à la gueule de chat pour me braquer le fil qui aurait du lui servir à réparer les fringues de son feignant de père. Bah ouais, t'as cru qu'avec les générations, les paternels sont tous les mêmes ? J'ai eu beau la chercher cette peste pour la faire bouillir sous ses mains, j'ai fini par me lasser de ces petits jeux de chat et souris.  Je n'avais plus faim. La fortune on l'avait amassé, je n'avais besoin de rien , au fond de cette forêt à presque faire concurrence à ces princesses qui pionçaient au delà de mes sapins, et presqu'envie d'aller en tirer quelque chose sans même les réveiller. Je vous entends d'ici. Mais il est horrible ! Hin Hin. Productif. Je me sers où y'a les soldes. Vous avez une idée de ce qu'il y a sous leur jupe après un siècle a pioncer sans se laver ? Vous voulez pas savoir, croyez-moi !
Je suis gangrené de la raison, illogique, impulsif, me crains-tu ? Toute cette chair humaine avalée depuis des générations et des générations, croyais-tu vraiment que ça n'allait pas m'altérer l'esprit ?

Une âme qui n'oublie pas, sort inconditionnel de la sorcière ogresse que j''ai toujours été. J'aime les portes qui grince, le froid d'un hiver qui fait raidir les corps perdus, mettre les gens mal à l'aise et que tu partes dans le sens opposé d'où je viens. Et même si tu sèmes peigne magique et foulard de soie derrière toi, en mille pièges sournois, tu n'auras jamais assez de jambon pour nourrir tous les chats que je puisse soudoyer. Mes chiens sont crocs du diable, et le long de mon ventre coule l'envie de te vider jusqu'à la moelle. Baba Yaga, perdu au fond de ton jardin, à chercher un moyen de remplir son appétit démesuré, incarnation digne de la vilainie et de l'insatiabilité.  Mais le jour où cette petite âme m'a échappé... ce jour-là m'a perturbé. Sale gosse, trop malin ou maline, je ne me souviens plus bien, j'avais probablement trop abusé sur la boisson ou bien mon dernier repas était-il trop chargé en toxines carnassières, qu'en sais-je ? C'est un peu la loose de foirer une chasse à cause d'une intoxication alimentaire ou une cuite. Pourtant. J'l'ai fait. A la recherche de cet échec, obsession malsaine, devenu désordre et instabilité mentale, traînant bœuf, chat et chien derrière moi, j'ai fini par en oublier le lieu, l'endroit...où j'habitais. J'ai vrillé et peut-être est-ce pour ça que ce foutu miroir, s'est trouvé sous moi quand je m'y suis écrasé de fatigue dans la tourbe d'un marais, reflet de mon âme. Poisseuse, épaisse et impénétrable.

Destination ? Au milieu de nulle part, alors que je commençais à sentir la dite proie dans mes tripes, Ce bâtard de miroir m'a ôté le pain de la bouche, ou plutôt le jarret de la gosse. Est-ce pour sauver Wonderland d'un taré de plus qu'il m'a fait passé de l'autre coté ? J'ignorais même qu'il y avait un autre coté. Si c'est un coup de Jafar, je jure de le bouffer en premier. Je me suis retrouvé là-bas. Démesure, chaos, bruit, la nausée de toute cette effervescence, nausée qui disparut si vite quand je pris conscience de l'immense potentiel que ce monde offrait. Tellement plus de possibilités que de l'autre coté. Plus de magie, je m'en fous,  il y a tellement de péchés à développer, tellement d'âmes à corrompre, et quand bien même je ne puisse plus foutre votre cul dans mon marmiton, j'y ai trouvé une toute autre utilité et elle ne vous plaît pas plus.  Ogre de ce monde, à la manière qui ne plaît ni aux flics, ni aux gens bien, je n'ai rien à dire, rien à prouver, je fais partie des salopards et ça me convient, sans grande vie.

Une des raisons insupportables de l'existence louable des hunters, et le désespoir de la cause de saviors parce que soyons réaliste, il n'y a rien à sauver chez moi.  

Dix ans que je suis ici à présent. Séoul. Nouveau nom, simple anagramme de la sorcière Baba Yaga. Dix ans et j'ai fait mon trou. Proxénète aux lueurs des néons, j'ai oublié la définition du pardon, je ne chasse plus, elles le font pour moi et parfois je me sers parmi leurs proies. Elles me donnent ce qui m'est dur si elles ne veulent pas perdre un bout. Baba Yaga, un surnom qui me suit, qui me colle, que j'assume et j'n'ai pas changé. Je suis peut-être un peu plus tempéré, un peu plus posé, j'ai appris dans cette forêt d'immeubles et cette populasse de petits humains si naifs et ni touchants à la fois à me délecter de leurs histoires, de leurs échecs, de leurs victoires aussi courtes fussent-elles, et j'ai surtout compris qu'ici... rien n'est tout puissant. L'absence de magie ne m'a jamais rendu aussi sûr de moi.  Le jeu n'en est que plus dangereux et donc plus excitant.  Est-ce que je veux rentrer au pays ? Plutôt mourir.  Mes sapins sont ici  à présent et je n'ai pas encore fait tous les jardins.