Shin Won || Who could ever learn to love a beast ?

Le prince avait pourtant tout pour être heureux, de la richesse en abondance, un confort qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, des loyaux sujets et des femmes qui l'adoraient. Depuis son plus jeune âge, il avait toujours été choyé et eut ce qu’il désirait. N’importe qui aurait rêvé avoir la vie de ce prince à qui tout était dû mais qui ignorait ce qu’était la gentillesse et la bonté. Habitué à tout avoir, le prince Adam était égoïste et hautain et s’il avait une part de mystère qui plaisait, son arrogance n’était un secret pour personne. Il était beau, il était riche et on l’aimait certainement pour cela cependant l’apparence de quelqu’un ne définissait pas son cœur. Un prince encore trop jeune pour prendre les rênes du royaume, un prince immature qui préférait fuir ce genre de responsabilité mais par-dessus tout un prince qui ne connaissait rien aux valeurs de la vie et l’importance des personnes autour de lui. Ce qui comptait était son bonheur à lui et non celui des autres… Après avoir été autant gâté dans son enfance, comment aurait-il pu réagir autrement ? On ne lui avait jamais appris à les connaître, on le laissait faire et continuait de céder à ses caprices sans jamais riposter. Il était le prince et on devait le respecter, c’était ainsi que le jeune homme voyait les choses. Toujours.

A trop vouloir faire le beau, on finit par en payer le prix un jour… Tel avait été le sort du prince qui d’un coup de baguette magique avait vu son paradis se transformer en enfer. Une bête, c’était ce qu’il était devenu… Un abominable monstre qui en ferait frémir plus d’un. Le château disparut dans l’oublie alors que le temps à l’intérieur de ce royaume semblait s’être arrêté. L’atmosphère chaleureuse qui régnait des années auparavant avait disparu pour laisser place à un froid glacial, une ambiance morose et sombre. C’était à peine si on devinait une trace de vie en ses lieux obscures, seuls les grognements de la bête solitaire se faisaient entendre parfois. Bête solitaire qui tombait de plus en plus dans le désespoir, persuadé que personne ne serait capable de l’aimer sous cette forme horrible… Puisque oui, telle était l’unique manière de conjurer le sort : Pour redevenir le bel homme qu’il était, une femme devait l’aimer d’un amour sincère et s’il n’y parvenait pas, le jour de son vingt-et-unième anniversaire, il serait une bête à tout jamais. Le prince n’y croyait plus, s’enfonçant un peu plus dans les ténèbres alors que même l’idée de disparaître pour toujours lui avait traversé l’esprit à plusieurs reprises. A quoi bon vivre quand la vie ne nous donnait aucune motivation d’avancer ? Des pensées qu’il n’avait jamais mis en exécution mais qui représentait parfaitement tout le désespoir que le jeune homme éprouvait.

L’année de ses vingt-et-un ans, on lui donna une nouvelle chance grâce à ce fameux miroir qui menait vers un autre monde. Il en avait longtemps entendu parler sans jamais être en mesure de le trouver mais pourtant, ce jour-là, alors qu’il ne le cherchait plus vraiment le miroir était apparu. Était-ce une coïncidence ou un coup du destin ? Adam n’aurait pu le dire cependant il avait préféré ne pas s’attarder sur la question. La bonne fée l’avait prévenu, elle lui avait expliqué quel genre de vie il croiserait là-bas mais surtout, elle l’avait mis en garde. Elle lui avait dit que s’adapter dans cet univers ne serait pas une tâche facile et que sa vie ne serait pas forcément différente que celle qu’il avait au château. Elle lui avait répété que les humains avaient leur propre façon de vivre et de voir les choses, qu’il ne serait peut-être pas autant accepté que ce qu’il désirait et qu’il aurait besoin d’une profonde persévérance pour s’en sortir. « Après avoir entendu tout ça, veux-tu toujours y aller ? » Lui avait-elle demandé. Et Adam n’avait pas eu besoin d’hésiter pour acquiescer. Tenter d’avoir une nouvelle vie ailleurs ne pourrait jamais être pire que finir le restant de ses jours dans la peau d’un monstre.

Alors, il était parti, il était passé dans la glace sans jamais chercher à se retourner pour finalement mettre les pieds sur Terre. On l’avait accueilli, on avait tenté de l’aider et s’il était perdu dans cet univers qu’il ne connaissait pas, le jeune prince n’avait pu s’empêcher de riposter. Son tempérament était son plus gros problème et peu ont été ceux à réussir à le supporter. Impulsif, brutal, méfiant, il ne supportait pas l’idée d’être épaulé ou pire encore, accompagné… Lui voulait se débrouiller seul, il n’avait besoin de personne et c’était ce qu’il n’avait jamais cessé de répéter à ceux qui avaient voulu lui tendre la main.

On le dévisageait, n’éprouvant aucune honte à le regarder de travers ou à le pointer du doigt. C’était comme ça à son arrivée, certains murmuraient derrière son dos alors que d’autres l’observaient avec dégoût à cause de cette grosse cicatrice qui marquait sa figure. Si l’envie de se réfugier dans un trou lui avait plusieurs fois effleuré esprit, Adam préférait les affronter en les foudroyant de ses yeux sombres ou en leur criant dessus aussi. Il était comme un loup enragé et blessé, comme un lion qu’on avait sorti de sa cage pour le placer dans un cirque et il avait le sang chaud. Utiliser ses poings avaient également été l’un de ses principaux moyens défenses, ce qui lui avait valu quelques virées au commissariat… C’était la ténacité d’un savior à vouloir le guider correctement dans ce monde qui l’avait aidé, un peu, à s’y faire une place. Pour calmer sa rage, il lui avait conseillé de faire du sport, de se défouler en pratiquant de la boxe et d’utiliser les arts martiaux pour apprendre à se canaliser un minimum. Pour éviter d’être repéré, il lui avait expliqué comment changer son identité et ce qu’il devait faire pour mener une vie normale. Pour faire disparaître son complexe et l’aider à s’accepter, il lui avait montré comment camoufler sa cicatrice et faire comme si cette dernière n’avait jamais existé. Si Adam – maintenant Shin Won - avait mimé ne pas l’écouter, il avait tout de même suivi ses conseils, non pas sans quelques difficultés bien sûr. Puisque malgré tout, il restait fidèle à lui-même et ne pas s’emporter à la moindre chose lui était compliqué. C’était son unique moyen de défense après tout, son bouclier et ce qui le protégeait du reste du monde.  

La police ; ça lui avait paru être une bonne idée de rejoindre les rangs des forces de l’ordre parce que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, il était pour la justice et la paix dans le monde. De plus, il s’agissait également d’un travail qui pourrait l’aider à se dépenser et s’affirmer… Il n’était pas capable de rester en place, il avait besoin de bouger et d’agir. Voilà pourquoi il n’avait jamais supporté lorsque ses supérieurs lui demandaient d’attendre ; Shin Won n’était pas du genre très patient et parce que pendant qu’ils restaient assis à se tourner les pouces et à réfléchir, un criminel tuait une nouvelle victime. Son tempérament impulsif et passionné aurait pu être considéré comme une qualité toutefois tous le voyaient comme un défaut. Il en avait frappé des suspects, il en avait menacé et même contre ses collègues, le nombre de fois où il avait levé la voix était immesurable. Ce qui lui coûta sa place fut assurément ce jour où dans un élan de colère, le jeune homme n’avait pas hésité à lancer un puissant crochet dans la face de son chef. Après des tas d’avertissements, on l’avait finalement rétrogradé et encore, on lui répétait souvent de s’estimer chanceux de ne pas avoir été renvoyé. Personne ne l’appréciait réellement dans cet établissement, des tas de rumeurs à son sujet courraient encore aujourd’hui alors qu’il n’était plus qu’un policier de bas étage. Est-ce que ça lui plaisait ? Pas vraiment mais ce n’était pas comme s’il était en mesure de changer rien qu’en claquant des doigts. A croire que oui, s’adapter dans un tel univers était loin d’être une tâche facile et pourtant, il ne retournerait d’où il vient pour rien au monde.