choi khrys -- baby we two distant strangers

Tu tenais à peine debout lors du grand déménagement vers la Corée du Sud, si bien que ton passage aux États-Unis n’existe que par le biais d’albums photos. Perle rare d’un couple qui détonne qu’importe le pays de résidence, qui fait tourner la tête pour une raison différente selon les rues arpentées. La vie à la maison a toujours été facile. Si le père avait pourtant des attentes élevées et des critères académiques rarement atteints, ta mère ne perdait pas une seconde pour prendre ta défense et remettre les priorités dans un ordre adéquat. Toujours l’un pour savoir composer avec l’autre dans toutes situations, complémentarité exemplaire souvent regardée avec admiration. Et si ta mère adorait pincer tes grosses joues chaque matin avant de te laisser filer vers l’école, l’histoire tournait vite au cauchemar une fois à destination. L’enfant n’a pas de filtre, il est méchant sans peser ses remarques tranchantes. Parce que tu n’avais rien du portrait typique, quelques kilos en trop et on aimait bien se moquer. Parce que t’étais à moitié américain, il était donc normal que tu sois plus en chair que tes camarades de classe, en moins bonne forme physique. Pointes moqueuses gratuites, elles ont été ravalées quand la puberté a pointé le bout de son nez.

Ils sont hypocrites, les gens. Soudainement, le physique est digne d’attention et les sourires se font presque naturels. On veut ton attention après l’avoir dénigré pendant des années. Paon dans une basse cour, mais l’ego est flatté, conquis, et tu te laisses berner dans les promesses d’amitiés vides. L’adolescence est rude, jeu de popularité plus épuisant qu’il n’y paraît sans que ça ne t’empêches d’y sombrer. Toi non plus, tu n’as pas toujours été des plus aimables. C’est facile de pointer du doigt, de mordre sans en subir les conséquences. Des illusions scintillantes, des secrets bien gardés puisque si tu parviens à duper celle qui s’accroche à ton bras, tu ne peux en faire autant avec toi-même. Elle te fait ni chaud ni froid, insensible au charme convoité qui rend jaloux. Elle n’a pas ce qu’il faut pour te plaire, une évidence qui finit par tomber quand tu lui avoue la vérité. Parce que tu croyais qu’elle comprendrait, naïveté qui s’est retournée contre toi. Trône doré renversé d’un seul grand coup, réputation morcelée et un retour à la case départ. Cercle social en miettes pour ne laisser que quelques exceptions.

Sentiment étrange que d'être blessé suite à une marque de confiance. Coup difficile à encaisser, trahison poignante derrière le regard dégoûté de ceux qui se disaient tes amis une semaine plus tôt. Tout ça pour des préférences amoureuses, pour une notion si bien acceptée à la maison. Remaniement des valeurs, le désir de lutter contre cette injustice sans pourtant en voir les bénéfices sur le long terme. Contrairement à ton enfance, la voix n'est pas restée muette, mais ce n'était pas l'élément le plus convaincant lorsque tu élevais la voix. Au moins, il y avait un avantage à être parmi les grands. Au moins, on te laissait tranquille pour ne jacasser que lorsque tu avais le dos tourné.

Une fois le chapitre scolaire terminé, tu n'as pas choisi de taire qui tu es, n'as pas décidé de revenir en arrière et nier la réalité. Ce fut suffisant pour te voir refuser quelques contrats, mais pas assez significatif pour te pousser à mentir. Information qui a fini par s'effacer, ce n'est plus l'élément qui ressort le plus de ton parcours en raison de ton métier ayant débuté par des doublages discutables. Il y a de quoi hausser un sourcil quand on sait maintenant que tu donnes ta voix aux personnages de films et émissions pour enfants.